Conscience Nègre

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LE TOUR DU FASO

LE TOUR DU FASO DANS LES ROUES DU TOUR DE FRANCE

 

Après le Tour du Faso qui vient de s’achever le dimanche 11 novembre 2001, ce qui aura retenu l’attention, c’est le partenariat entre le Ministère de la Jeunesse des Sports (MJS), la Fédération burkinabé de Cyclisme (FBC) et la Société du Tour de France (STF). Apparemment, toutes les parties semblent satisfaites de cette collaboration. La « rigueur et la méthode » de l’expertise de la STF viennent tempérer « le spontanéisme, la gentillesse et l’exotisme » caractérisant le Tour du Faso. Mais ce que beaucoup de burkinabé ignorent, c’est que le 15ème Tour du Faso coïncide aussi avec le quatorzième anniversaire de « La Fausto Coppi », un rendez-vous international de cyclistes, professionnels et amateurs, friands d’efforts cyclo-montagnards, à Cunéo, dans le Piémont italien. Avec ses 237 km et ses 4400 m de dénivelé, cette course, qui s’est déroulée le 8 juillet 2001, appartient à la catégorie des courses de légende avec 27 nationalités représentées. Evidemment, beaucoup de passionnés de cyclisme burkinabé s’interrogeront sur le rapport existant entre ces deux événements.

L’ombre de Fausto Coppi sur le Tour du faso

Il faut savoir que Fausto Coppi, ce héros du cyclisme italien, surnommé « le campionnissimo », né le 17 septembre 1919, à Castellania en Italie, et décédé le 2 janvier 1960, à Rome, des suites d’un paludisme contracté en Haute Volta en décembre 1959, contribua quelque peu, avec ses compagnons du braquet, à l’ancrage de la passion du vélo dans notre pays. En effet, c’est le 10 décembre 1959 que Fausto Coppi s’envole pour Ouagadougou, en compagnie de Geminiani, Anquetil, Rivière, Anglade et Hassenforder, afin de participer à un critérium qui sera disputé le 13 décembre, dans le cadre des festivités marquant la proclamation de l’Indépendance de la Haute Volta. Ce critérium sera remporté par Jacques Anquetil devant Fausto Coppi. Après une grande partie de chasse, le 14 décembre, dans la réserve d’Arly et quelques joueurs de farniente, les coureurs européens rejoignent leurs pays respectifs dès le 18 décembre. Mais, deux d’entre eux, Raphaël Geminiani et Fausto Coppi, sont alités quelques jours plus tard par un mal mystérieux que leurs médecins n’arrivent pas diagnostiquer rapidement. Il s’agissait, en fait, d’un paludisme. Cependant, si à Clermont-Ferrand, les médecins de Geminiani finirent par diagnostiquer la maladie et lui trouver le remède adéquat ce qui permis de sauver de justesse, le champion français, d’une mort certaine, en Italie, par contre, leurs homologues s’entêtèrent à « bombarder » Coppi d’antibiotiques à la place de la quinine. Mieux, il ne voulurent rien entendre des précieuses informations sur la maladie que l’épouse de Geminiani tentait désespérément de leur fournir au téléphone. Ainsi, le 2 janvier 1960, soit 20 jours seulement après son critérium ouagalais, Fausto Coppi s’éteignit, emporté par la fièvre. Celui qui remporta deux fois le Tour de France (1949 et 1952) et cinq fois le Tour d’Italie (1940, 1947, 1949, 1952 et 1953), qui tint la dragée haute et surplomba de grands champions comme Gino Bartali, Bernado Ruiz, Stan Ockers, Louison Bobet, Hugo Koblet, Ferdi Kubler, Jacques Anquetil, Jean Robic et bien d’autres, a fortement contribué avec ses camarades à porter le cyclisme burkinabé sur ses fonts baptismaux. On peut même dire qu’ils sont pour beaucoup dans la passion et l’amour qu’ont les burkinabé pour la course cycliste. En fait, quand Fausto Coppi accepta de venir courir en Haute Volta en 1959, il venait tout juste de mettre fin à son exceptionnelle carrière professionnelle commencée en 1940. En réalité, Fausto Coppi entreprit ce voyage en remplacement de Louison Bobet et contre l’avis de sa compagne qui tenta par tous les moyens d’empêcher ce déplacement. Il convient donc de souligner fortement que l’enthousiasme des burkinabé pour les compétitions cyclistes date véritablement de cette époque qui a vu et entraîné toute une génération de la « petite reine » comme Tiga Tassembédo (notre Fausto Coppi à nous) et Zongo Joseph dit le « gorille », pour ne citer que ceux-ci, à se passionner pour ce sport et à lui donner une nouvelle dimension au point de faire du Burkina Faso la patrie du cyclisme en Afrique.

« Rigueur et méthode » contre spontanéité et empirisme

Les temps ont, certes, changé et les techniques aussi. Le partenariat avec la STF vient renouer avec ce passé qui a vu, pour la première fois, des  pros européens venir courir avec les locaux avec en plus « la rigueur et la méthode ». Déjà, en 1959, tous n’étaient pas logés à la même enseigne. En effet, Coppi appliquait depuis cette époque l’entraînement par intervalles sans oublier, sur le plan diététique, l’apport des suppléments vitaminiques tandis que l’approche de l’entraînement chez nos braves Etalons cyclistes était basé, et continue de l’être toujours, sur des méthodes traditionnelles et empiriques : Boulevard Charles De Gaule, Boulevard Charles de Gaule et encore Boulevard Charles De Gaule plus beaucoup de tô et de macaroni dans le ventre. Le fossé ne semble pas s’être rétréci encore de nos jours et il est à craindre que, si des efforts sérieux ne sont pas fournis dans l’encadrement et la préparation de nos cyclistes, ceux-ci puissent rivaliser avec leurs homologues européens qui, il faut le souligner viendront de plus en plus nombreux au Tour du Faso. Le président de la Fédération burkinabé de cyclisme en est bien conscient lui qui reconnaît que : «la collaboration avec les équipes du Tour de France a donné une  nouvelle dimension au Tour du Faso, qui est devenu plus professionnel et sportivement plus intéressant (...) Mais tous les problèmes du cyclisme national ne sont pas résolus pour autant ». Et d’ajouter : « En dehors du Tour du Faso, c'est le désert. Imaginez que mes coureurs n'ont que six courses dans les jambes depuis le début de la saison. Et sans compétition, pas de résultats ».

La mondialisation du cyclisme en marche 

 Le Tour du Faso est maintenant rentré dans le circuit international de l’UCI à la catégorie 2.5 soit la même que le tour de l’Avenir ou le Tour Down Under en Australie ou encore le Tour de Langkawi en Malaisie. Beaucoup viendront donc glaner à ce Tour de précieux points UCI pour améliorer leur classement tout en enrichissant leur palmarès. En réalité, c’est la mondialisation du cyclisme qui a ainsi démarré chez nous. Le partenariat avec la STF en est le cheval de Troie au Burkina Faso. Les Jean Marie Leblanc, Daniel Baal, Jean Claude Hérault et autres Bernard Hinault ne sont pas des bons samaritains. Si le budget du Tour passe de 100 à 300 millions de FCFA grâce à l’apport de la STF c’est qu’en retour elle  gagne en change. Rien que les droits télévisuels suffisent à rentabiliser l’affaire. Déjà l’année dernière TV5 et CFI couvraient l’événement. Cette année, c’est une véritable armada qui est venue pour la couverture médiatique du Tour. En effet, France Télévision et Eurosport ont consacré un flash quotidien au Tour du Faso dans les émissions « Tout le Sport et Eurosport News ». CFI a produit également un programme quotidien d'une dizaine de minutes qui a été proposé à toutes les télévisions des pays limitrophes du Burkina. Enfin, CFI, de même que les chaînes thématiques Planète et Eurosport, diffuseront un reportage de 52 minutes qui sera réalisé à l'occasion de cette quinzième édition. A cela, il faut adjoindre l’apport des stations de radios comme RFI et toute une multitude de sponsors. En entraînant le Tour du Faso dans la voie du professionnalisme, le Ministère burkinabé de la jeunesse et des sports et la Fédération burkinabé de cyclisme ont signé, avec la Société du Tour de France, un accord aux termes duquel celle-ci devient co-responsable technique et financier du Tour du Faso. Ne vaudrait-il pas plutôt dire actionnaire et propriétaire principal du Tour ?    

« Passer des nuits à la belle étoile dans les bivouacs »

Jean Marie Leblanc, président de la STF, en se disant « satisfait » du partenariat avec la Fédération burkinabé de cyclisme, a aussi souligné : « Nous avons appliqué ce que nous savons faire en France, en même temps que nous avons essayé de préserver l'âme de ce Tour du Faso faite d'exotisme, de beaucoup de gentillesse et de spontanéité ». Il a aussi souligné que sa société n'entendait pas, malgré l'apport de son expertise en terme « de rigueur et de méthode », dénaturer la plus importante course cycliste du continent africain avant d’ajouter ceci : « Dans ce partenariat il y a une aventure humaine. Nous savons que le Burkina est un pays relativement pauvre, et nous avons voulu à travers une compétition sportive faire découvrir la réalité de ce pays à des journalistes et des dirigeants d'équipes français. Cette année une banque française, également parraineur de l'épreuve, a distribué des fournitures scolaires dans des écoles de villages tout au long du parcours dans le pays, l'un des plus pauvres de la planète. « Vendre la destination Burkina Faso » est un autre objectif de la STF, qui s'emploiera davantage à convaincre les Européens de participer plus nombreux à un Tour du Faso qui offre un charmant côté « plus aventure et découverte plus ». Cesare Fiumi de la Corriere della Sera relayé par Courrier International du 24 juillet 2001 campe cet aspect exotique en ces termes : « Le cyclisme dans cette partie de l’Afrique est un peu comme en Europe, après la Seconde Guerre mondiale, dans les villes en ruines : un sport qui pouvait aider à s’en sortir. A la course, on pouvait gagner un saucisson ou un poulet en dévorant à la fois la route et sa propre faim, et en passant une ligne d’arrivée tracée à la dernière minute à la peinture sur l’asphalte rugueux. Exactement comme au Burkina Faso aujourd’hui ». C’est ainsi que séduit dès cette année, le Néerlandais Joost Legtenberg, vainqueur de l'épreuve, s'est déclaré « très enchanté de passer des nuits à la belle étoile dans les bivouacs ».

La société du Tour du Faso : une nécessité incontournable

En lieu et place des déclarations dithyrambiques du genre : « Le Tour du Faso dans la cour des grands », il faudrait veiller réellement et sérieusement à la structuration et à l’encadrement du cyclisme burkinabé afin qu’il ne suive pas la voie empruntée par d’autres disciplines comme le football qui, chaque jour qui passe, nous offre un échantillon de ce que l’incompétence et la médiocrité des hommes sont capables de produire. A entendre le président Adama Diallo jubiler sur les médias comme un enfant qui a reçu son cadeau de Noël, on a l’impression que les malentendus entre la FBC et la MJS à propos de la composition et de la direction du Comité National d’Organisation du Tour du Faso ont été aplanis. Tant mieux. Cependant, pourquoi ne pas créer aussi une société du Tour du Burkina Faso (STBF) qui, en partenariat avec son homologue de France et la FBC se chargera de l’organisation et de la gestion du Tour du Faso et rien que de cela. On a la désagréable impression que le fait que le Tour du Faso bénéficie d’une grande couverture médiatique et que le président de la FBC ne soit plus obligé de se « débiner » à l’arrivée de certaines étapes font et suffisent au bonheur de nos responsables. Il n’y a pas de raison que des burkinabé dotés d’intelligence, d’esprit d’imagination et de créativité ne puissent pas monter une telle société afin de se placer objectivement sur le chemin du réalisme et de l’efficacité. Il est tout à fait évident que cela ne relève ni de la compétence de la FBC ni, encore moins, de celle du MJS dont le premier responsable trône fièrement en compagnie de Jean Marie Leblanc sur le site internet du Tour du Faso. Si malgré tout c’est l’option pour l’assistanat qui est retenu alors, ne soyons pas surpris que le Tour du Faso prenne, de plus en plus, les allures d’un Paris – Dakar. Que dise-je, d’un Paris – Ouaga.     



30/04/2011
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