Conscience Nègre

Conscience Nègre

Pascal Fantodji

Il était une fois, Pascal Fantodji…

Il faut saluer la mémoire de Pascal Fantodji. Le fondateur et le premier secrétaire du Parti communiste du Bénin (PCB) s’en est allé. Il rejoint ainsi, dans la singulière expérience qu’est la mort, de célèbres ancêtres comme Karl Max et Engels, des contemporains tout aussi célèbres comme Mao Zétoung et Che Guevara, sans oublier de valeureux camarades africains comme Amilcar Cabral et Majmoud Diop. Une page se referme dans le livre qui reste à écrire sur l’histoire de la construction du Bénin indépendant. Le Bénin des mille et un rêves de nombre de ses fils et de ses filles soucieux, quelque soient les voies empruntées, d’arracher le pays des griffes des prédateurs et des pilleurs de toutes espèces qui n’ont de cesse de plomber son envol vers des horizons de liberté et de prospérité.

Et Pascal Fantodji s’inscrit dans la lignée de ces patriotes sourcilleux. N’ont-ils pas choisi, au mépris de leur confort matériel, de leur sécurité, de porter comme une grossesse le destin de leur nation, de leur continent, voire du monde ? Ces patriotes poussent en avant leurs rêves pour un devenir meilleur, avec la droite certitude qu’ils finiront, tôt ou tard, par se donner la main, malgré la différence des visions projetées, des points de vue défendus et illustrés, des chemins empruntés. Pierre Teilhard de Chardin a immortalisé cet élan vers le meilleur en cette formule restée célèbre : « Tout ce qui monte converge ».

Et Pascal Fantodji, l’enfant de Djakotomey, témoin aux toutes premières loges de la grande misère de son peuple, a choisi, à son tour, de monter, impliquant son peuple dans ce mouvement ascendant vers les cimes. Le marxisme-léninisme l’outillera intellectuellement pour comprendre les grandes lois du développement humain. Il l’aidera à problématiser le combat à mener pour changer l’ordre des choses. Le socialisme scientifique lui servira de boussole par les dédales de la « praxis », pour rester dans le jargon de l’idéologie.

On peut le dire : le marxisme-léninisme a été, pour au moins trois générations d’Africains, un phénomène générationnel fondamental. Des jeunes gens qui ressentaient dans leur corps et dans leur cœur la blessure ouverte de l’oppression coloniale. Des étudiants, promis à assurer la relève, dans leurs pays respectifs, et qui végètent comme dans un exil intérieur. Des Africains de tous âges meurtris au plus profond d’eux-mêmes par des humiliations, chaque jour, subies. Ce sont tous ces gens-là qui, à un tournant décisif de l’évolution du Bénin, de l’Afrique, s’étaient posés la fameuse question « Que faire » ?

Les uns et les autres allaient trouver dans le marxisme-léninisme et le socialisme scientifique, des réponses à leurs quêtes. Les uns et les autres allaient y découvrir « les armes miraculeuses » selon le mot d’Aimé Césaire, pour la reconquête de leur liberté volée, de leur dignité piétinée, de leur richesse aliénée. Aussi a-t-on pu dire qu’un jeune africain lettré qui choisit, en ces années de braise, de rester insensible au chant d’espoir de l’idéologie marxiste n’aurait été, ni plus ni moins, qu’un marginal obtus, qu’un indifférent inconscient.

Mais si beaucoup de jeunes Africains étaient alors entrés en marxisme pour sacrifier à la mode, Pascal Fantodji y a pris pied comme d’autres entrent en religion, la foi chevillée au corps. Alors que le militantisme des premiers se limitait à un flirt avec le matérialisme historique et dialectique de Marx ou avec le matérialisme et l’empiriocriticisme de Lénine, Pascal Fantodji a trouvé, dans le communisme, son point d’ancrage existentiel, pour dire sa raison de vivre et d’espérer.

Ce docteur en mathématiques, qui a mille raisons de prêter l’oreille aux appels pressants du grand large, a plutôt préféré entrer en son Bénin natal, intégrer, comme le lui recommande l’idéologie marxiste, « les larges masses populaires », prendre sa part aux souffrances de celles-ci, se laisser transcender par l’idéal de lutte. Le « Eblémaku » en fon, c’est quand on choisit de ne point reculer devant les menaces, la prison, la torture, voire la mort. Ce fut exactement ce que firent Pascal Fatondji, les siens et autre Wa houn wa.

C’est ici qu’il convient de s’arrêter sur la page de gloire qu’on cherche, du reste, à occulter et que le Parti communiste du Bénin, sous l’énergique direction de Pascal Fantodji à eu à écrire à l’encre de sang d’un engagement sans faille. Sans ce courage des communistes du Bénin, le renouveau démocratique ne serait peut-être pas advenu. Il faut le reconnaître et le souligner en manière d’hommage au PCB. Un hommage qui prend une dimension exceptionnelle à l’heure de nos adieux au fondateur et premier secrétaire de ce parti. Le Bénin perd un grand patriote. Nous retenons, pour notre part, le parfait accord entre les choix idéologiques et politiques de l’homme et l’exemplarité d’une vie d’engagement et de sacrifice. On peut ne pas être d’accord avec les idées de Pascal Fantodji. On reconnaîtra, tout de même, la cohérence d’un parcours en tous points exemplaire. Au revoir !

Jérôme Carlos

La chronique du jour du 9 avril 2010



15/06/2011
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