Conscience Nègre

Conscience Nègre

REVUE_PRESSE_15Juillet2011

Le Burkina, éternel wagon du convoi ouest-africain

Ces dernières années, l’économie du Burkina Faso fut tractée par une locomotive ivoirienne poussive. La fin de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire permet d’espérer une accélération du convoi. À moins que le wagon burkinabè ne se détache du train…

 C’est un président Gbagbo affectueux qui proclamait, à Ouagadougou, en 2008, l’amitié indéfectible entre les peuples burkinabè et ivoirien. Une affection formalisée au bas d’un parchemin, le Traité d’amitié et de coopération, signé le 28 juillet. Celui-ci conduira à la tenue du premier Conseil interministériel Côte d’Ivoire-Burkina, le 15 septembre 2009, à Yamoussoukro.

Une «amitié» bénéfique…

En parlant d’amitié, Laurent Gbagbo avait, tout à la fois, tort et raison. Dans une perspective historique, il avait raison d’affirmer que «ce qui concerne la Côte d’Ivoire concerne aussi le Burkina, et vice-versa». De 1932 à 1947, la zone ivoiro-voltaïque étaient scindée en territoires de Haute Côte d’Ivoire et Basse Côte d’Ivoire. La porosité entre les deux zones était flagrante.

Les colons avaient créé le Syndicat interprofessionnel pour l’acheminement de la main-d’œuvre, qui envoyait les Mossis les plus valides au Sud, notamment dans les plantations de café et de cacao. Conscient que ces travaux presque forcés avaient joué un rôle fondamental dans le développement de l’économie ivoirienne, le président Houphouët-Boigny allait même souhaiter, en 1965, l’instauration de la double nationalité entre la Haute Volta et la Côte d’Ivoire.

Le futur Burkina Faso n’était pas économiquement perdant. Par le truchement de l’argent rapatrié par une diaspora de plusieurs millions de personnes, le pays sahélien enclavé pouvait accéder à un certain niveau de croissance.

Dans la bouche de Laurent Gbagbo, pourtant, le mot «amitié» était sans doute abusif, au moment où il prononçait son discours devant la représentation nationale burkinabè, en 2008. Depuis le début de son mandat présidentiel à durée indéterminée, les deux peuples avaient connu bien plus que de saines scènes de ménage.

… mais une dépendance dangereuse

Comme le rappelle le cinéaste burkinabè Pierre Yaméogo dans son long-métrage Bayiri présenté le 29 juin 2011 à Ouagadougou, la capitale, trois centaines de milliers de «Burkinabè de Côte d’Ivoire» prirent les chemins de l’exode au début de la politique d’«ivoirisation» du tissu économique et les premières exactions dans la ville ivoirienne de Tabou.

Non seulement le robinet des revenus issus de la diaspora tendit à se fermer, mais les services du ministère burkinabè de l’Action sociale et de la Solidarité prédirent, dès 2003, que les besoins pour l’accueil et la réinsertion socioéconomique des rapatriés s’élèveraient à 17,1 milliards de francs CFA (26 millions d’euros). Une somme peut-être extrapolée à la louche, dans le but d’attendrir les bailleurs de fonds internationaux. Mais la crise n’a pas seulement rompu ce tube digestif qui allait de la diaspora aux familles restées au Faso.

Au-delà de l’économie à dimension familiale, c’est la macroéconomie qui s’est trouvé déstabilisée pendant les dix ans du régime Gbagbo. Si la Côte d’Ivoire est, depuis «toujours», considérée comme la locomotive de l’Afrique de l’Ouest, le Burkina est peut-être le premier wagon du convoi. Au début des années 2000, les relations commerciales entre les deux pays étaient encore estimées à 200 milliards de francs CFA (305 millions d’euros).

Dès cette période, compte tenu de la dépendance économique, la crise ivoirienne plonge rapidement le Burkina dans l’embarras. Les nombreux produits importés via le corridor ivoirien (environ 20% des importations du Burkina) voient leur prix flamber —quand ils ne viennent pas à manquer—, la ligne de chemin de fer qui relie Abidjan à Ouagadougou ne frémissant plus que sporadiquement au passage des convois.

C’est lentement que le pays se tourne vers des sources d’approvisionnement traditionnellement bien plus «étrangères»: les ports de Lomé, Cotonou ou Téma. Mais le contournement du port d'Abidjan implique un surcoût dans les transactions…

Lors de la crise postélectorale ivoirienne qui suit la présidentielle du 28 novembre 2010, le Faso s’enrhume plus franchement, à mesure que la Côte d’Ivoire tousse plus violemment.

Le Burkina victime de la crise ivoirienne

Du fait de l’interconnexion électrique entre la Côte d’Ivoire et le Burkina, les coupures intempestives de courant se multiplient au Faso. Avec le couvre-feu et la fermeture des frontières ivoiriennes, des milliards de francs CFA de produits restent bloqués au port autonome d'Abidjan.

20.000 tonnes de marchandises appartenant aux opérateurs burkinabè seraient ainsi immobilisées, dont 14.000 tonnes de riz. Les matériaux de construction viennent à manquer, de même que les pièces détachées pour les motos. Victime collatérale, l’Etat voit chuter ses recettes publiques issues des services douaniers.

Les éleveurs burkinabè, eux, regardent leur bétail devenu, en partie, inexportable. Si le Faso dépend des marchés ivoiriens pour 12% de ses exportations, le montant des ventes à l’étranger de bétail et de produits animaux —spécialité du Faso— aurait chuté de deux tiers du fait de la crise ivoirienne. Et les producteurs de coton burkinabè commencent à s’arracher les cheveux.

Au Burkina comme au Mali, les prix flambent de plus belle. Celui de l’huile de palme augmente de 50%, tout comme celui du sucre. Le gaz butane devient rare, tout comme le traditionnel attiéké, sorte de couscous de manioc. Le «port sec» de Bobo-Dioulasso le devient vraiment, voyant transiter de moins en moins de marchandises en provenance de la Côte d'Ivoire.

Pendant quelques mois, la population susurre même une rumeur de dévaluation du franc CFA…

Décrispation économique

Avril 2011. Laurent Gbagbo est arrêté. Rapidement, les discours annoncent une embellie politique. Trois ans après la visite «amicale» de Laurent Gbabgo, c’est un autre président ivoirien qui se rend à Ouagadougou, le 16 mai 2011. Comme pour exorciser le passé des relations ivoiro-burkinabè, c’est en effet le Faso que le nouveau président ivoirien Alassane Ouattara choisit comme escale lors de sa première tournée hors de son pays.

Le Ouagadougou d’où sont partis les rebelles en septembre 2002? Peut-être. Mais surtout, officiellement, le Ouagadougou du facilitateur de la crise ivoirienne, Blaise Compaoré. Et on se redonne du «frère et ami». On s’émeut des 80.000 Burkinabè qui auraient fui les violences postélectorales.

L’axe Abidjan-Ouagadougou peut être relancé. Le 3 mai, déjà, le ministre des Affaires étrangères burkinabè, Djibril Bassolé, déclarait, à Abidjan:

«Nous avons confiance qu’avec l’élection d’Alassane Ouattara […] la Côte d’Ivoire se dotera d’un dispositif institutionnel capable de relancer le développement socioéconomique, et de faire en sorte que cette locomotive de notre économie sous-régionale puisse jouer son rôle et réduire l’impact de la cherté de la vie au Burkina».

Rapidement, en effet, la décrispation politique accouche d’une décrispation économique certaine. Au quotidien, le changement est notable. L’électricité est servie en continu aux Burkinabè. Les commerçants ivoiriens réimportent le beurre de karité du Burkina. Les Bobolais et les Ouagalais consomment à nouveau les bananes plantains de la Côte d’Ivoire.

Quand le Faso s'embrase

Mais il faudra du temps pour revenir à la normale, ne serait-ce que parce que le racket continue sur les routes ivoiriennes. Il faudra du temps, surtout, pour mesurer l'impact, à moyen terme, de la relance des relations économiques sur la croissance burkinabè. Et ceci d’autant plus que les bruits de bottes ne résonnent plus sur les mêmes territoires. Depuis le mois de mars, les pillages des militaires, dans plusieurs villes du Faso, ont mis à mal les commerces burkinabè.

À quoi bon importer les produits d’une Côte d’Ivoire pacifiée, si c’est pour se les faire voler par ses propres forces de l’ordre? Comme le dit un proverbe traduit du dioula, il ne faudrait pas «quitter l’excrément pour se retrouver dans l’anus».

Bien sûr, les exactions militaires burkinabè n’ont pas atteint la sauvagerie des affrontements ivoiriens de ce début d’année. Mais les balles perdues et les incertitudes politiques d’un régime contesté ont découragé quelques bailleurs de fonds attentistes et les nombreuses organisations non gouvernementales internationales. Celles-ci ne reconnaissent plus leur havre de paix sahélien.

Depuis la répression de la mutinerie de Bobo-Dioulasso, le calme est revenu. Mais les partenaires se méfient de l’eau qui dort. Si le pauvre Burkina ne peut plus garantir sa légendaire stabilité, que peut-il bien offrir, au moment où de nouveaux pôles d’attraction tentent de séduire les partenaires internationaux? Si le Faso perd son auréole politique, quels seront ses atouts concurrentiels, face à un Niger ou à une Guinée en pleine résurrection?

Le rythme que la locomotive Côte d’Ivoire pourrait imprimer à l’Afrique de l’Ouest ne sera un facteur d’entraînement pour le wagon burkinabè que si celui-ci ne se détache pas du convoi.

Damien Glez

Déclaration liminaire du chef d’état-major général des armées a l’occasion de la conférence de presse du jeudi 14 juillet 2011 sur la résiliation de contrats de personnels militaires des forces armées nationales

 Mesdames et Messieurs les Journalistes,


Je voudrais tout d’abord saluer la présence des différents organes de presse de notre pays à cette conférence et leur adresser mes sincères remerciements.

La circonstance qui nous vaut de nous rencontrer aujourd’hui est liée aux récentes mutineries qui ont essaimé les différentes garnisons de notre pays et au cours desquelles des militaires se sont illustrés de manière négative, portant un coup sérieux aux liens Armée-Nation.

Je voudrais encore une fois, présenter mes condoléances aux parents de toutes les victimes, pour ces pertes que nous ne cesserons de déplorer, exprimer ma compassion à l’endroit des blessés et formuler de manière générale mes sincères regrets à l’endroit de toutes les victimes ainsi que des populations qui ont vécu dans la peur et l’angoisse durant ces moments difficiles.

Mesdames et Messieurs,

Il vous souviendra que durant toute cette crise, les autorités au premier rang desquelles se trouve le Président du Faso, Chef Suprême des Forces Armées Nationales (FAN), ont privilégié l’écoute et le dialogue. Elles ont fait preuve de patience et de retenue pour trouver une issue pacifique à ces manifestations contraires aux lois de la République, au statut des personnels des FAN au Règlement de Discipline Générale en vigueur et à l’éthique professionnelle militaire.

Malgré ces bonnes dispositions de la hiérarchie, des groupes de militaires se sont montrés intraitables et imperméables à toute idée pacifique. Ils se sont ainsi livrés à des actes d’une rare violence caractérisés par des vols et pillages, des destructions de biens publics et privés au préjudice de l’Armée, de l’Etat et des populations, particulièrement à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso où les villes ont été prises en otages. Face aux dérapages attentatoires à l’ordre public et en exécution de la réquisition complémentaire spéciale n0 2011-001/PM du 1er juin 2011 de Son Excellence Monsieur le Premier Ministre, le Commandement a déféré à l’instruction de rétablir l’ordre en vertu de la loi.

Ainsi un Groupement d’intervention constitué d’unités provenant du Régiment Para Commando (RPC) de Dédougou, de la Gendarmerie Mobile et du Régiment de Sécurité Présidentielle a mis fin aux activités des mutins de Bobo-Dioulasso dans la mi-journée du 03 juin 2011.

Mesdames et Messieurs,

Les FAN ne pouvaient laisser impunis des actes déshonorants, contraires à l’éthique et à la déontologie du métier des armes. L’Armée nationale ne peut tolérer des actes de vandalisme, l’utilisation du matériel militaire à des fins autres que la défense de la Nation et de l’intégrité du territoire. Rien ne justifie de prendre les armes pour des revendications corporatistes. Rien ne peut justifier non plus surtout, que le militaire retourne son arme contre les populations qu’il doit défendre en tout temps et en tous lieux ; ces vaillantes populations qui lui donnent gîte et couvert, habillement et solde, ainsi que l’arme avec laquelle elles ont été menacées et spoliées.

Des enquêtes ont été diligentées dans toutes les garnisons. Certaines sont toujours en cours tandis que d’autres ont déjà été bouclées. Des poursuites judiciaires sont actuellement engagées contre 217 militaires déjà déférés à la MACA et à la MACO.

Une réunion de commandement élargie s’est penchée le jeudi 23 juin 2011 sur le cas des militaires indisciplinés. Prenant acte des résultats des enquêtes ayant abouti, l’ensemble de la hiérarchie militaire a proposé la résiliation du contrat d’engagement de cinq cent soixante six (566) militaires pour les fautes de deuxième catégorie qui sont : les fautes contre l’honneur, la morale, la probité et les devoirs généraux du militaire avec incitation au désordre. Sont donc concernés par la mesure : 362 de l’Armée de Terre ; 142 du Groupement Central des Armées et 62 de l’Armée de l’Air.

Conformément aux dispositions du statut des personnels des FAN, certains militaires de carrière concernés par ces actes d’indiscipline feront l’objet d’une procédure administrative appropriée.

Les mesures disciplinaires entrainant la sanction statutaire de résiliation du contrat d’engagement sont conformes à l’article 91 du Statut Général des personnels des Forces Armées Nationales qui stipule : « Certaines fautes jugées particulièrement graves par le commandement peuvent, sur décision d’office du ministre chargé des armées, après proposition du chef d’état-major général des armées, entraîner les sanctions énumérées dans les articles 88, 89 et 90 ».

Lesdits articles sont relatifs à la résiliation du contrat et à la radiation avec versement des droits légaux.

Mesdames et Messieurs,

La répétition du phénomène des mutineries de plus en plus rapprochées dans le temps : 1978, 1999 , 2006 et 2011, avec un mode opératoire de plus en plus violent, constitue une source d’inquiétude et un problème majeur autant pour la démocratie que pour l’institution militaire elle-même.

La conscience nationale est interpellée au regard des effets induits des revendications qui sont la déstructuration de l’équilibre social et la fragilisation de l’économie.

Les sanctions disciplinaires régulières appliquées aux personnels militaires fautifs servent d’exemples.

Elles constituent un signal fort à l’attention de la communauté nationale quant à la ferme volonté des Forces Armées Nationales de demeurer toujours une armée républicaine respectueuse des lois et intimement liée à la Nation.

De part leur valeur éducative, elles contribuent au renforcement de la cohésion et à la réaffirmation de l’unité de pensée et d’actions de notre outil commun de défense. Quelques personnes irresponsables, sans vocation militaire réelle ne doivent pas en imposer à l’institution. C’est pour ce faire que les punitions dont il s’agit doivent être comprises dans toute leur rigueur.

La punition redresse la conduite et sanctionne l’oubli du devoir. Pour ancienne qu’elle soit, cette maxime purement militaire n’en demeure pas moins l’un des principes cardinaux de l’institution militaire.

Je vous remercie.



Mutineries dans les garnisons du Burkina : 566 militaires radiés dont 217 déjà en prison


Rien ne sera plus comme avant dans la grande muette au Faso. En tout cas, c’est ce message de fermeté qu’a livré ce jeudi à la presse le chef d’état-major général des armées, le Général Honoré Nabéré Traoré, entouré des principaux responsables des Forces armées nationales (FAN).

Pour ce faire, le Général Traoré a annoncé des mesures visant à rompre avec les cycles de mutineries dans le pays. Au nombre de ces actions de salubrité militaire figure la résiliation de contrats de personnels de l’institution. Au total, 566 militaires sont concernées par la mesure. 217 d’entre eux, qui font actuellement l’objet de poursuites judiciaires, sont déjà transférés à la Maison d’arrêt et de correction de l’armée (MACA) et à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). La liste des militaires à radier ou à punir pourrait s’étendre dans les jours ou semaines à venir parce que les enquêtes se poursuivent pour identifier tous les éléments qui ont pris part aux mutineries dans les différentes garnisons.

A travers ces sanctions, la hiérarchie militaire a voulu, à écouter le Chef d’état-major général des armées, prendre sa responsabilité. « Elles constituent un signal fort à l’attention de la communauté nationale quant à la ferme volonté des Forces armées nationales de demeurer toujours une armée républicaine respectueuse des lois et intimement liée à la Nation », a indiqué le Général Traoré. Et d’expliquer que la répétition du phénomène des mutineries de plus en plus rapprochées dans le temps (1978, 1999, 2006 et 2011), avec une violence grandissante, constituait une source d’inquiétude et un problème majeur autant pour la démocratie que pour l’armée. D’où son interpellation de la conscience nationale, au regard notamment des effets induits des revendications qui sont la destruction de l’équilibre social et la fragilisation de l’économie.

Les FAN ne pouvaient laisser impunis

Il est reproché entre autres aux militaires sanctionnés les fautes contre l’honneur, la morale, la probité et les devoirs généraux du militaire avec incitation au désordre. « Les FAN ne pouvaient laisser impunis des actes déshonorants, contraires à l’éthique et à la déontologie du métier des armes. L’Armée nationale ne peut tolérer des actes de vandalisme, l’utilisation du matériel militaire à des fins autres que la défense de la Nation et de l’intégrité du territoire. Rien ne justifie de prendre les armes pour des revendications corporatistes.

Rien ne peut justifier non plus surtout, que le militaire retourne son arme contre les populations qu’il doit défendre en tout temps et en tous lieux ; ces vaillantes populations qui lui donnent gîte et couvert, habillement et solde, ainsi que l’arme avec laquelle elles ont été menacées et spoliées », s’est expliqué l’ancien président de la fédération burkinabè de football. Dans son entendement, les présentes mesures ne sont pas prises de gaieté de cœur, mais par devoir, par responsabilité.

Pas de panique pour la sécurité des populations

Face aux inquiétudes des journalistes par rapport au problème de sécurité que pose la décision de radier autant de monde rompu au maniement des armes des effectifs de la grande muette, le chef d’état-major s’est voulu rassurant. « Des instructions ont été données concernant la sécurité des populations. Pas de panique » rassure t-il. A ce niveau, le patron de l’armée a également dit que les armes pillées par les mutins ont été récupérées.

Des éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) font-ils partie des sanctionnés ? Sur cette question, la réponse est affimative. En dehors des sanctions disciplinaires et pénales, quelles les autres mesures envisagées pour redorer véritablement le blason de la grande muette. Concernant cette préoccupation, le Chef d’état-major général des armées a laissé entendre que le commandement avait pris conscience de ses manquements et allait se ressaisir, que des mesures allaient être prises au niveau des recrutements et de la formation pour que les FAN puissent désormais jouer pleinement et dignement leur rôle dans le renforcement de la démocratie et de la République.

Par rapport au bilan de la mutinerie de Bobo, il reste à 6 morts. L’estimation financière de l’ensemble des dégâts causés à l’armée du fait des mutineries, sans être exhaustive, se monte à plus de quatre milliards de francs CFA, rien qu’à considérer les habillements volés ou bousillés dans les magasins.


Grégoire B. BAZIE Ph. Bonaventure PARE (Lefaso.net)

 

 

Révision article 37 : Le CCRP dit NON !


Trois semaines après avoir donné le "la" des travaux du Conseil consultatif sur les Réformes politiques (CCRP), le Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, a procédé, hier 14 juillet, à leur clôture à Ouaga 2000. A partir de cette date, les aspects consensuels des réformes sont connus, ainsi que les non-consensuels. Place aux tournées explicatives régionales et aux assises nationales, tribune où, selon le chef du gouvernement, "les dirigeants et formations politiques" peuvent toujours venir s’exprimer. Une porte toujours grande ouverte donc.

Les échanges des 68 conseillers du CCRP ont donné les résultats suivants :

Des propositions consensuelles, il y a :

 la création des cadres périodiques de dialogue direct entre autorités et populations aux niveau national, régional, provincial et communal ;

 la création d’un cadre permanent de concertation dénommé Conseil national de sages ;

 la Constitutionnalisation de la chefferie coutumière et traditionnelle et l’élaboration de son statut ;

 l’institutionnalisation du Conseil national de la jeunesse ;

 la création d’un observatoire national de prévention et de gestion des conflits ;

 la création d’un cadre de concertation entre le pouvoir, les syndicats et les autres acteurs de la société civile ;

 l’organisation d’un débat national sur la laïcité ;

 la création de cadres de rencontre entre le pouvoir et les partis politiques ;

 

- la création de cadres de rencontre entre la majorité politique et l’opposition politique ;

 35 ans minimum et 70 ans maximum pour l’âge du candidat à l’élection présidentielle ;

 amnistie limitée dans le temps pour tous les chefs d’Etat de 1960 à la date d’adoption de la disposition y relative ;

 la nomination du Premier ministre au sein de la majorité ;

 le Premier ministre est responsable devant le Parlement ;

 le Premier ministre doit soumettre sa déclaration de politique générale (DPG) dans les 30 jours avant le Parlement ;

 le droit de censurer la DPG du Premier ministre ;

 l’adoption des plans et programmes de développement par voie législative ;

 la maîtrise par le Parlement de son ordre du jour lors des sessions ;

 l’avis du Parlement pour les nominations à certaines hautes fonctions de l’Etat ;

 la création au sein du Parlement d’une commission chargée d’examiner et de proposer les avis de non-objection ou de rejet ;

 la création d’un Sénat ;

 le président du Faso est le président du Conseil supérieur de la magistrature ;

 un des vice-présidents est le premier président de la Cour de cassation ;

 le président du Conseil constitutionnel élu parmi les membres dudit conseil ;

 les anciens chefs d’Etat pourraient siéger au sein du Conseil constitutionnel ;

 le création d’un Tribunal des conflits ;

 la saisine du Conseil constitutionnel par les citoyens à travers la représentation nationale à hauteur d’un dixième des élus ;

 la constitutionnalisation du Conseil supérieur de la communication (CSC) ;

 le président du CSC élu par les conseillers ;

 la constitutionnalisation du Médiateur du Faso ;

 la relecture de la loi portant charte des partis politiques ;

 la relecture de la loi sur le statut de l’opposition politique et la révision du statut du chef de file de l’opposition ;

 l’interdiction des cellules et réunions politiques dans les services publics ;

 le plafonnement et le contrôle des dépenses de campagne ;

 la réorganisation de la CENI (sa forme actuelle restera jusqu’aux élections de 2012) ;

 l’identification des électeurs (instauration de la CNIB, adoption d’une carte d’électeur) ;

 le maintien de la liste nationale au scrutin législatif ;

 la constitutionnalisation du genre.

Des propositions de réformes non consensuelles, le CCRP a répertorié celles suivantes :

 la création de l’observatoire de la laïcité ;

 la journée des partis politiques ;

 le maintien ou la relecture de l’article 37 de la Constitution ;

 la proposition relative à l’instauration des audiences foraines présidées par des magistrats en remplacement des tribunaux départementaux ;

 la création d’un Conseil supérieur de la magistrature de l’ordre administratif ;

 la modification du code de procédure pénale en vue d’admettre la présence d’un avocat dès la phase de l’enquête préliminaire ;

 l’abolition de la peine de mort ;

 l’élargissement à tous les partis du financement public des activités politiques lors de la campagne ;

 l’interdiction du financement privé des activités politiques ;

 la région comme circonscription électorale ;

 la suppression des budgets pendant les périodes électorales ;

 les candidatures indépendantes aux élections législatives et municipales.

Pour le Premier ministre, le consensus qui a été la règle de base des travaux augure des lendemains de dynamisme politique. Satisfecit du chef du gouvernement, mais il invite les absents à revenir (aux prochaines assises nationales) pour apporter leur contribution à l’édification de cette œuvre qualifiée d’historique ; car désormais, foi de Luc Adolphe Tiao, la preuve est faite que cette mission du CCRP ne s’est pas accomplie sous le diktat d’une main invisible.

Un homme heureux, c’est aussi Bongnessan Arsène Yé, patron de la structure, qui a parlé de "résultats fructueux" au sujet des travaux du CCRP.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana (L’Observateur Paalga)

 

 

Les perles du Bac français (2011)


1. Castor a pris le pouvoir grâce à une guérilla urbaine dans les campagnes.

2. Comme souvent, le peuple s'en est pris à un bouc et mystère.

3. D'après le calendrier hébraïque, on est en 5757 après Jésus-Christ.

4. Depuis Archimède les bateaux flottent....

5. En 1934, Citroën révolutionne la construction automobile en sortant la traction à vent.

6. En 2020, il n'y aura plus assez d'argent pour les retraites à cause des vieux qui refusent de mourir.

7. II fut condamné après un procès en bonnet de forme.

8. L'hippopotamus est le siège du système neurovégétatif.

9. L'homosexualite n'est pas une maladie, mais personne n'aimerait l'attraper.

10. L'indice de fécondite doit être egal à deux pour assurer le renouvellement des générations parce qu'il faut être deux pour faire un enfant. On peut s'y mettre à trois ou quatre mais deux suffisent.

11. La datation au carbone 14 permet de savoir si quelqu'un est mort à la guerre.

12. La force de Coriolis provoque des cyclones dans les lavabos.

13. La terre rote sur elle-même.

14. Le cerveau à des capacités tellement étonnantes qu'aujourd'hui pratiquement tout le monde en à un.

15. Le cerveau à deux hémisphères, l'un pour surveiller l'autre.

16. Le chauffage au gaz revient moins cher mais disjoncte tout le temps.

17. Le chêvre est un fromage fait avec du lait de brebis.

18. Le gouvernement de Vichy siègeait à Bordeaux.

19. Le mètre est la dix-millionième partie du quart du méridien terrestre, pour que ça tombe juste on a arrondi la terre.

20. Le Tsar a perdu le pouvoir malgré les occases.

21. Le Vietnam est la capitale du Liban.

22. Les Allemands nous ont attaqués en traversant les Pyrénées à  Grenoble.

23. Les continents dérivent, peinards.

24. Les escargots sont homosexuels.

25. Les Français sont de plus en plus intéressés par leur arbre gynécologique.

26. Les passagers de première classe ont moins d'accident que les passagers de deuxième classe.

27. Les riches bouffent le gateau ; les pauvres se contentent des  miettes. Plus le gateau est gros plus les miettes sont grosses.

28. Les végétaux fixent l'oxygène grace aux globules verts.

29. Lénine et Stallone.

30. Napoléon III était le neveu de son grand-père.

31. Privé de frites, Parmentier inventa la pomme de terre.

32. Quand il voit, l'oeil ne sait pas ce qu'il voit. II envoie une  photo au cerveau qui lui explique.

34. Un collectionneur de timbres est un pédophile.

35. Un litre d'eau à 20°, plus un litre d'eau à 20°, égalent deux  litres d'eau à 40°.

36. Un prévenu est quelqu'un qu'on a mis au courant.

37. Un ver solitaire est un ver qui vit tout seul à la campagne.

 

 

Affaire DSK: La psy de Nafissatou Diallo sort du silence

 

Dominique Strauss-Kahn et Anne Sinclair arrivent au tribunal de New York, pour une audience extraordinaire, au cours de laquelle les conditions de sa libération sous caution ont été levées, à New York le 1er juillet 2011. AFP PHOTO/Stan HONDA

ENQUETE - Guinéenne comme la femme de chambre, la psychothérapeute certifie que Nafissatou Diallo dit la vérité...

Dans l'affaire DSK, les langues se délient et les témoignages les plus inattendus commencent à fleurir. Après le «fiancé» de Nafissatou Diallo, c'est au tour de la psychothérapeute de la femme de chambre guinéenne de prendre la défense de celle qui accuse Dominique Strauss-Kahn de tentative de viol aux Etats-Unis.

Dans un article publié sur le site internet de Paris Match, Mariama Diallo affirme avoir la certitude que sa patiente dit la vérité sur les faits. «Le viol a bien eu lieu», certifie-t-elle.

La psychothérapeute a été mandatée le 4 juillet dernier par l'avocat de l'accusatrice de l'ancien directeur général du Fonds monétaire internationale pour suivre la jeune Guinéenne, qu'elle a rencontrée plusieurs fois depuis cette date. Diplômée d’un «masters in social work» (maîtrise en assistance sociale) de l’université de Columbia, elle travaille depuis 2006 pour l’association Sanctuary for Families (SFF), créée en 1984 pour venir en aide aux femmes battues, dit Paris-Match.

«Elle ne ment pas. Je n'ai absolument aucun doute, elle a dit la vérité. Je connais ce genre de femmes, je viens de la même ethnie, on parle la même langue», déclare-t-elle. Avant d'ajouter: «Nafissatou n’est pas une prostituée comme j’ai pu le lire dans un tabloïd, car, chez les Peuls, coucher avec un homme hors mariage, c’est s’exclure de la communauté.»

Version contre version

L'avocat de Dominique Strauss-Kahn William Taylor, qui a donné mercredi une conférence de presse à New York, et la défense de son accusatrice continuent à donner des versions totalement divergentes des rapports médicaux sur l'épisode. «Le dossier médical de l'accusatrice est vide. Il n'y a aucune preuve. Pas de blessure à l'épaule, pas de marques de violences, pas de bleus», a déclaré William Taylor.

Le 1er juillet dernier, Kenneth Thompson, l'avocat de la jeune Guinéenne de 32 ans, avait donné un compte rendu radicalement différent de ce qui se serait passé le 14 mai dernier dans la suite 2806 du Sofitel de New York.

Dominique Strauss-Kahn a «d'abord saisi ses seins et a commencé à l'attaquer» avant de «saisir son vagin avec tant de force qu'il l'a blessée» et a déchiré les ligaments de son épaule en la plaquant violemment au sol, avait-il dit.

 

 

 

Compaoré livre les paysans ouest-africains à Monsanto...

 

Avec le Burkina et son industrie cotonnière comme cheval de Troie, les industries biotechs mènent une offensive massive pour imposer les OGM en Afrique de l’Ouest. A terme, l’Europe sera encore davantage isolée dans son refus des semences « made in Monsanto ». Etat des lieux et des complicités.

L’agriculture du Burkina Faso représente environ 20% du PIB et occupe plus de 80% de la population active. Le coton y a une place primordiale : avec 500 000 tonnes produites par plus de 350 000 cotonculteurs et faisant vivre directement près de 3 millions de personnes, il contribuait pour 60% aux recettes d’exportation du pays jusqu’au boom minier récent sur l’or, matière première qui vient de le détrôner dans les statistiques nationales. Cela ne signifie pas que les cotonculteurs burkinabé partagent cette richesse : la baisse tendancielle et les soubresauts des cours internationaux, couplés aux aléas climatiques locaux et aux scandales récurrents dans la filière (insecticides fournis sans effet, engrais inadaptés, récolte non collectée avant les pluies suivantes, etc.) ont grandement contribué à la paupérisation des paysans.

Depuis la vague de privatisation de la plupart des sociétés publiques burkinabé, la production cotonnière est structurée autour de trois sociétés cotonnières du pays (la Sofitex, la Socoma et Fasocoton), qui maintiennent l’approche intégrée selon laquelle cette culture a été développée : elles fournissent ainsi intrants (semences, traitements, engrais) et encadrement technique à crédit, achètent la production cotonnière et commercialisent graines et fibre après la phase d’égrenage.

Après une phase d’expérimentation officielle de cinq ans, la Sofitex et la Socoma ont développé depuis 2008 la culture commerciale de coton Bt, génétiquement modifié pour produire lui-même un pesticide contre certains ravageurs (la toxine de la bactérie Bacillus thuringiensis). Ce développement est appuyé par l’Institut national de l’environnement et de la recherche agronomique (INERA), partenaire de Monsanto dans la conception de la variété génétiquement modifiée utilisée, et de la puissante Union nationale des producteurs du Burkina Faso (UNPCB), créée artificiellement en 1998 à l’initiative des autorités pour disposer d’un interlocuteur censé représenter les producteurs.

Depuis 2008, les producteurs sont donc fortement incités à opter pour des semences de coton GM, qu’on leur présente comme un moyen de réduire fortement leurs coûts de production (la production de pesticide par la plante devant leur permettre de faire des économies de main-d’oeuvre et de produits phytosanitaires en diminuant les traitements) et d’augmenter leur production. L’information sur les droits de propriété à payer pour ces semences est partielle, et, selon le Syntap, le coût de la semence fournie à crédit atteindrait 54 000 F CFA/ha (deux sacs de semences) contre 1 600 F CFA/ha les campagnes précédentes (deux sacs à 800 F CFA), et 10 500 F CFA cette campagne (le prix de la semence conventionnelle ayant été considérablement augmenté, sans doute pour réduire l’écart avec celui de la semence OGM).

Les arguments évoqués par les promoteurs du coton Bt sont contredits par l’expérience  : d’après les paysans, les récoltes de coton Bt au Burkina ne montrent aucune différence significative de rendement (voire des rendements inférieurs en poids selon de nombreux témoignages : le coton Bt donnerait des fruits avec plus de fibres et des graines plus petites et moins nombreuses, donc un poids inférieur pour une quantité de fibre équivalente ou supérieure – or, les producteurs sont payés au poids !) et Monsanto a reconnu récemment l’apparition chez des chenilles de résistances au coton Bt utilisé en Inde.

En outre, les témoignages se multiplient sur la défiance des paysans vis-à-vis du coton Bt, qui, outre le prix des semences et ce problème de poids, évoquent des problèmes de santé et d’environnement (dont des intoxications du bétail après consommation de feuilles ou tiges).

Les alternatives et la liberté de choix sont maigres pour les cotonculteurs : la production de coton bio, 500 à 1000 tonnes par an au Burkina Faso, est cantonnée à des zones prédéterminées en dehors desquelles il leur est impossible de s’engager dans cette filière, la seule possibilité de refuser les OGM est donc de continuer à récla­mer des semences conventionnelles ou d’abandonner cette production.

 

 

Ousmane Tiendrébéogo, secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de l’agro-pastorale, farouchement opposé aux OGM de passage à Paris.


La production de coton Bt ne cesse de gagner du terrain, au point que l’Agence française de développement table pour cette saison sur un emblavement des 2/3 des surfaces cotonnières. Une telle progression, en seulement quatre campagnes, révèle une forte volonté politique de développer voire imposer cette culture, et laisse imaginer la propagande qui l’accompagne.

Les cultures vivrières et un déploiement régional en ligne de mire

Si le coton passe pour une culture « non alimentaire » (la production principale, la fibre, étant destinée à l’industrie textile ; les graines sont cependant pressées pour produire de l’huile très consommée localement), qui peut favoriser le développement des OGM par une simple présentation optimiste sur le plan économique, les projets en cours sur les biotechnologies dans la région concernent également des cultures vivrières stratégiques.

Des expérimentations de niébé (un haricot) transgénique censé produire un pesticide contre un insecte ravageur sont ainsi en cours dans le pays. Cette culture est consommée par près de 200 millions de personnes sur le continent, et cultivée sur plus de 12,5 millions d’hectares de savanes sèches d’Afrique tropicale selon la Fondation africaine pour les technologies agricoles (AATF), un des nombreux lobbies africains pro-OGM qui ont vu le jour ces dernières années et qui s’impliquent sur le projet aux côtés de Monsanto et des autorités burkinabé.

Africa harvest biotech foundation international (AHBFI), une « ONG » dirigée par une ancienne cadre de Monsanto, coordonne quant à elle le projet « du sorgho biofortifié en Afrique » (ABS), financé par la fondation Bill et Melinda Gates. Ce projet vise à développer un sorgho génétiquement modifié, prétendument pour remédier au taux important d’anémie chez les populations pauvres. Le sorgho, aliment de base d’environ 300 millions de personnes en Afrique, est en effet jugé trop faible en certains minéraux, vitamines et autres éléments nutritifs : on nous vend donc encore une fois l’idée que le progrès technologique peut remédier à un problème d’ordre politique, celui de la malnutrition, liée à la misère, et donc au pillage.

Parmi les partenaires impliqués dans le projet, on retrouve des partenaires institutionnels publics comme l’Université de Californie (Berkeley, États-Unis) et l’Institut international de recherche sur les cultures pour les tropiques semi-arides (Icrisat), la coopération états-unienne avec l’Usaid et l’USDA, mais également des lobbies comme Crop Life International (qui représente les firmes de l’agrochimie comme Monsanto, Bayer, ou encore des financeurs privés et Syngenta..), Europabio et Africabio, ou encore des financeurs privés et prétendument philanthropes comme la fondation Rockfeller et la Fondation Gates.

On aurait donc tort de s’inquiéter.

Selon le Conseil Ouest et Centre africain pour la recherche et le développement agricole (CORAF/WECARD), la première phase d’expérimentation couvre la période 2007-2011, uniquement au Burkina Faso, et la seconde phase serait une « vulgarisation programmée au Mali, au Ghana, au Nigeria et au Togo ».

Le Burkina Faso, état docile, n’est en somme qu’une porte d’entrée des OGM en Afrique de l’Ouest.

Le soutien des bailleurs internationaux

Le projet de sorgho biofortifié d’Africa Harvest est financé par la fondation Bill et Melinda Gates dans le cadre des « Grand Challenges in Global Health », mais la coopération publique des États-Unis n’est pas en reste. En 2008, le Burkina Faso a en effet signé avec les Etats- Unis son « Compact », c’est-à-dire une convention sur cinq ans dans le cadre du Millenium Challenge Corporation (MCC), une structure privée voulue par le président Georges W. Bush pour gérer tout un pan de l’aide humanitaire américaine en dehors des cadres habituels de la coopération publique.

La très pertinente ONG Grain écrivait à son propos, en 2010 : « [Le MCC a] son propre président et un conseil d’administration lequel, tout en rendant des comptes au Congrès et en incluant le ministre des Affaires étrangères, le ministre de l’Économie et des Finances, le représentant américain au Commerce et l’administrateur de l’Usaid, [comprend] aussi quatre représentants du secteur privé. (...) La politique du MCC est sans complaisance et ressemble à un programme d’ajustement structurel. Le MCC dispose d’un large budget (que le Congrès a augmenté sous l’administration Obama : + 26 % en 2010). L’argent est versé sous forme de subventions, et non pas de prêts, à ceux des pays que le MCC considère comme des candidats acceptables : une belle carotte qu’on agite pour attirer les pays. Cependant même pour devenir candidat à ce financement, un pays doit d’abord passer un test MCC avec des points : ce test tient compte de critères tels que « pays encourageant le libéralisme économique » et est fondé sur des indices provenant d’institutions néo-libérales comme la Banque mondiale, la Fondation Héritage et le Front monétaire international (FMI). Si un pays marque suffisamment de points, il peut alors être promu par le MCC au stade “threshold” (pré-compact) qui lui donne accès à des sommes modiques, ce qui va lui permettre de mettre en place les réformes structurelles que le MCC estime nécessaires pour accéder à l’éligibilité complète. Une fois qu’il a passé tous les obstacles, un pays peut alors passer au stade suivant, c’est-à-dire mettre au point et signer avec le MCC un “Compact” qui spécifiera quatre ou cinq projets donnant droit au financement MCC. (...) Quand le Compact a été approuvé, l’argent commence à être versé. Toutefois la source peut se tarir rapidement, si le gouvernement prend une direction qui déplaît à Washington ».

Si le lien de causalité directe ne peut pas être établi entre l’ouverture générale du pays aux biotechnologies américaines, notamment le coton Bt de Monsanto, et la signature du Compact, les détracteurs des OGM s’interrogent néanmoins depuis 2008 sur la concomitance des deux, et sur les pressions qui ont pu accompagner l’octroi des aides états-uniennes...

La coopération française n’est pas nécessairement étrangère, ou tout du moins écartée de ce processus. Jusqu’en 2008, c’est la société publique française Dagris (ex-Compagnie française de développement des textiles, CFDT) qui détenait un tiers des parts de la principale société cotonnière du pays, la Sofitex, fer de lance du développement du coton Bt, et contrôlait à 90% la Socoma, l’autre société cotonnière engagée dans la culture de coton GM.

Bien que cette société ait été privatisée et rebaptisée Géocoton en 2008 (un consortium français détenu à 51% par le groupe Advens du franco-libano- sénégalais Abbas Jabber et à 49% par la CMA-CGM du Marseillais Jacques Saadé), l’Agence française de développement (AFD) continuait d’en détenir 14% jusqu’en février 2010 : les autorités françaises ont donc été largement impliquées dans le développement de la culture de coton Bt au Burkina Faso, comme décideur (à la Socoma) ou co- décideur (à la Sofitex) jusqu’en 2008, puis comme actionnaire minoritaire via l’AFD jusqu’en 2010.

A l’occasion de la venue en France d’Ousmane Tiendrébéogo, secrétaire général du Syntap (Syndicat national des travailleurs de l’agropastorale), petit syndicat paysan burkinabé farouchement opposé aux OGM, un rendez-vous a été demandé mi-juin auprès d’une demi-douzaine d’ingénieurs de l’AFD impliqués dans la filière coton ou sur le suivi du Burkina Faso, pour évoquer cette question sensible : à ce jour, l’AFD n’a même pas accusé réception de cette demande, se murant dans un silence méprisant.

 

L’Afrique, pauvre de ses richesses

Uranium, soleil, pétrole ou cacao sont autant de richesses africaines dont le continent noir profite peu. Le dessinateur burkinabè Damien Glez décrypte ce paradoxe avec un dessin et un texte inédits.

 

Alors que les puissances européennes envisagent de sortir du nucléaire, nombre de pays africains confirment qu’ils n’y entreront peut-être jamais. Le 31 mars dernier, sous le coup de l’émotion de la catastrophe de Fukushima, le président sénégalais Abdoulaye Wade renonçait officiellement devant le conseil des ministres à construire une centrale nucléaire déjà commandée à la Russie. Le Sénégal est pourtant perclus de coupures d’électricité.

Le lendemain, l’Association manufacturière du Nigeria appelait le gouvernement fédéral à remiser ses plans de centrales nucléaires. Le vice-président de l’association, Gbadebo Giwa, invitait les dirigeants à se concentrer sur l’utilisation du gaz pour générer de l’électricité.

Exception qui confirme la règle, le président sud-africain Jacob Zuma fait lui bande à part en se dirigeant vers la construction de six réacteurs. Mais, comme s’il lui répondait, son homologue sénégalais propose à l’Union africaine d’adopter une résolution visant à faire de l’Afrique une zone exempte de centrales nucléaires…

Grâce à la Namibie, le Niger, l’Afrique du Sud ou l’Algérie, l’Afrique possède de conséquentes réserves d’uranium.

Pourtant…

Pourtant l’Afrique ne consomme que peu d’énergie nucléaire. Sur une bonne cinquantaine de pays africains, seuls six pays possèdent des réacteurs.

Il en est souvent ainsi…

L’Afrique est écrasée de soleil.

Pourtant…

Pourtant la consommation africaine d’énergie solaire est marginale. Le consortium Desertec, composé de douze sociétés basées en Europe, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, prévoit la construction d’un réseau de centrales solaires alimentées par des capteurs installés dans le Sahara. Couvrir un vingtième de la surface de ce désert de plaques solaires suffirait à approvisionner la planète en électricité, soit une consommation mondiale d’environ 18.000 TWh/an. Mais c’est vers l’Europe que des câbles sous-marins exporteront l’électricité produite par Desertec.

L’Afrique ne manque pas de pétrole.

Pourtant…

Pourtant, l’Afrique qui raffine peu connaît régulièrement des pénuries de carburant, comme en Guinée, à Maurice ou au Comores. En 2007, le Nigeria, sixième producteur mondial de brut, débutait l’année sur une pénurie d’essence qui provoquait une augmentation du prix des denrées alimentaires.

L’Afrique abrite le premier producteur mondial de cacao.

Pourtant…

Pourtant, la consommation de chocolat se situe, en Afrique, autour de 0,13 kilos par personne contre 12 kilos par citoyen suisse. Pas d’œuf de Pâques pour le fiston du producteur de cacao ivoirien.

Difficile de se consoler en constatant qu’à l’inverse, il y a des produits que l’Afrique ne fabrique pas mais qu’elle consomme abondamment. Les armes à feu, par exemple…

Damien Glez


2 réactions

Un peu plus de nerf que diable. Soumis par Marc Garaudit, le 24/04/2011 à 09h06

Bonjour j'aime ce sujet et j'aime l'Afrique. Cependant je trouve que vous ne tirez pas assez sur le long fil d'une histoire dont vous nous laissez entrevoir la banalité des conséquences. N'y a t-il pas une raison pour que ces pays assis sur tant de richesse soient condamnés par la communauté des pays riches a rester dans la misère ou la violence. Le mali profite t i de l or de son sous sol, pourquoi les villages riverains des centrales hydroélectriques du Congo Kinshasa sont ils dans le noir quand la nuit tombe. La jeunesse d'Afrique si forte et brillante, si bien élevée est une génération perdue depuis des décennies. Afrique je t'aime. Bien sur pas de chocolat mais cela tout le monde le sais. Nous les riches allons nous permettre à tous ces pays de vendre leurs richesse à un prix qui leur permettrait enfin de pouvoir construire route hôpitaux et écoles gratuites. Non bien sûr. Il en va aujourd'hui plus qu'hier de notre survie. La décolonisation a t elle été un accès des peuples africains à la liberté et à la démocratie. Non, la décolonisation a été un désengagement financier des puissances européennes car il était bien moins couteux de diriger ces pays en concédant quelques comptes en suisse. Dans les années 80 le FMI ne négociait il pas la dette des pays africains en exigeant le contrôle des budget et l'arrêt des investissements dans les secteur de la santé et de l'éducation. Petit africain pas de chocolat. Et pour longtemps.
Et bien sûr pour couronner cette montagne de mensonge et d'hypocrisie nous avons même inventé la douloureuse ONG. Celle la même qui donne bonne conscience au blanc et l'empêche de voir sous le voile. Cette magnifique pompe a fric qui déverse dans les poches de certains sans se soucier même de qui et pour quels résultats. Aujourd’hui c’est pâques et nous continuons à résonner comme des cloches.

Merci a vous de m avoir permis d'exprimer ma pensée bouillonnante

Ok mais

Soumis par Aziz, le 26/04/2011 à 22h24

Merci pour cet article et aussi le commentaire de Marc Garaudit.

Je pense que l'article est un peu bref mais pertinent tout de même. Marc, je pense que si l'Afrique va mal et que les dirigeants Africains braquent les ressources de ce beau continent, ce n'est pas seulement la faute aux riches. Je suis désolé. Business is business. Si ces dirigeants pensent aux commissions juteuses AVANT les interêts du peuple, je ne pense pas que l'on puisse accuser les pays riches. Laissez-vous faire et on vous 'fera'. Ainsi est faite la nature humaine. Il appartient aux leaders Africains de mieux défendre les intérêts de leurs peuples. De mieux négocier les termes des vieux contrats pré-coloniaux. A l'époque c'était peut-être plus dur mais aujourd'hui - soyons sérieux - qu'est-ce qui empêche le Niger de renégocier les termes de ses contrats pour l'exploitation de son uranium ? Pourquoi la RDC est-elle un bordel sans fin ? c'est la faute aux riches peut-être ? Il y a toujours des locaux pour faire le sale boulot, le boulot de terrain (les guerres, les trafics sanglants, les rebellions insensées...). Tout comme a l'époque il y avait des pisteurs pour dénicher les meilleurs esclaves - a l'intérieur des terres - pour le bénéfice des revendeurs qui étaient sur les cotes. Let's get real. Les africains tuent EUX-MEMES leur continent. Avec l'appui et l'aide de profiteurs qui ne sont pas nécessairement Africains - je l'admets - mais sans aide interne, ce beau gâchis n'aurait pu être possible.

Les mémoires africaines de Jacques Chirac

L’ancien président français tire à boulets rouges sur Gbagbo, salue Bouteflika et encense Mandela. Il revient sur les attentats de 1995 en France. Mais il «oublie» Wade et Ouattara, et passe sous silence le soutien donné jusqu’au bout à Mobutu.

 

 

Jacques Chirac avec Blaise Compaoré, Omar Bongo, Paul Biya et Denis Sassou Nguesso, le 16 février 2007. REUTERS/Eric Gaillard


Jacques Chirac aime l’Afrique. Il le répète à plusieurs reprises dans Le Temps présidentiel, le second tome de ses mémoires, qui couvre ses deux mandats en tant que président de la République française (1995-2007).

Passons rapidement sur les déclarations vertueuses —plus ou moins suivies d’effets concrets— sur l’aide au développement, la lutte contre le sida et les financements innovants. L’ex-président cite abondamment ses anciens discours.

Ses rapports avec certains dirigeants du continent africain sont beaucoup plus intéressants. Si l’ancien chef d’Etat reste souvent dans les généralités, trois figures africaines se détachent néanmoins à la lecture de ses mémoires: Laurent Gbagbo, en négatif, Abdelaziz Bouteflika et surtout Nelson Mandela, en positif.

Laurent Gbagbo, «fauteur de troubles»

Chirac consacre près de six pages à la crise ivoirienne, un de ses principaux dossiers africains —sinon le principal. Il lance tout d’abord une pique à Henri Konan Bédié, héritier politique de Félix Houphouët-Boigny, qui «est loin de s’être montré aussi habile et exigeant que son prédécesseur dans l’exercice du pouvoir et la conduite de son peuple».

En utilisant dans les années 90 le sulfureux concept d’«ivoirité» pour écarter son rival d’alors —et allié d’aujourd’hui— Alassane Ouattara, Bédié porte une lourde responsabilité dans la crise ivoirienne.

Mais Laurent Gbagbo est évidemment la cible préférée de l’ex-président français. Il souligne le «caractère tortueux et manipulateur», qui ne lui a «jamais inspiré confiance», de celui qui est souvent surnommé «le boulanger» pour son habileté à rouler ses adversaires dans la farine.

Le 24 janvier 2003, Chirac reçoit Gbagbo à l’Elysée, à la fin de la conférence de paix de Marcoussis:

«L’homme est, comme toujours, enveloppant de chaleur et de cordialité mais sa franchise ne me paraît pas garantie. "Tout est négociable, sauf le président!", m’a-t-il prévenu au téléphone avant son arrivée».

Mais c’est le 6 novembre 2004 que les relations entre les deux hommes sont au plus bas. Paris et Abidjan sont quasiment dans une situation de guerre: l’aviation ivoirienne bombarde, «prétendument par erreur» précise Chirac, la base française de Bouaké. Bilan: 9 soldats français tués, 37 blessés. 

L’ex-président français «ordonne aussitôt» à la force française Licorne de détruire tous les avions de chasse ivoiriens et de prendre le contrôle de l’aéroport d’Abidjan pour «empêcher toute nouvelle agression du même genre».

Dans la capitale économique ivoirienne, les Jeunes patriotes de Charles Blé Goudé s’en prennent alors aux ressortissants français.

Mais, dans ses mémoires, Chirac n’a pas un mot pour ces 8.000 Français qui sont alors évacués de toute urgence vers la France devant les caméras de télévision. Les images rappellent, toute proportion gardée, le retour forcé des Pieds-Noirs d’Algérie. 

Il passe également sous silence l’épisode tragique de l’hôtel Ivoire d’Abidjan: des militaires français encerclés par les patriotes tirent sur la foule, faisant plusieurs morts. Ces images ont fait le tour du monde.

«Dès lors, je ne verrai plus d’autre issue au drame ivoirien que le départ du principal fauteur de troubles». Mais Laurent Gbagbo restera encore sept ans au pouvoir…

A noter enfin que l’ancien chef d’Etat français ne mentionne pas Alassane Ouattara, qui a pourtant succédé à Gbagbo après avoir remporté la présidentielle de novembre 2010 et gagné la «bataille d’Abidjan».

Bouteflika «habile et pragmatique»

Si la crise ivoirienne fut douloureuse pour Chirac, il consacre six pages très positives à l’Algérie d’Abdelaziz Bouteflika, dont «l’œuvre de concorde civile» a été «salutaire» après une longue guerre civile (1991-2002).

«Charmeur, habile et pragmatique», Bouteflika, élu en 1999, était selon lui «porteur d’un souffle nouveau pour l’Algérie et d’une plus grande exigence démocratique». «L’Algérie avait rarement connu dirigeant aussi ouvert et désireux de bien faire» et «nous nous sommes spontanément très bien entendus».

Chirac effectue en mars 2003 la première visite d’Etat d’un président français en Algérie depuis l’indépendance. Il décrit longuement l’accueil reçu par «près d’un million de personnes» à Alger venus scander son «nom avec une ferveur et un enthousiasme bouleversants».

Mais le traité d’amitié entre les deux pays ne sera pas signé. Alger exige que Paris reconnaisse sa culpabilité durant la période coloniale. Chirac ne l’a «naturellement pas accepté». Tout comme, il n’est pas «davantage question de célébrer le bilan positif» de l’héritage colonial.

L’ex-président français reste pourtant philosophe:

«l’amitié franco-algérienne se passerait donc de traité. Ce qui est peut-être pour elle la meilleure façon de se poursuivre».

Les attentats de juillet 1995 en plein cœur de Paris sont considérés comme les premières attaques islamistes dans l’hexagone. Ils sont attribués au groupe algérien GIA.

L’ex-président revient sur ces douloureux événements, qui ont marqué le début de son septennat:

«bien qu’ils fussent revendiqués par les groupes islamistes, l’implication de la Sécurité militaire algérienne était aussi parfois évoquée. […] Alger, qui accusait Paris d’ingérence quand nous appelions son régime à plus de démocratie, s’irritait dans le même temps de notre refus de prendre parti dans la tragédie qui se jouait sur son sol», rappelle-t-il.

Quelques jours plus tôt, le 11 juillet 1995, le Cheikh Sahraoui, cofondateur du Front islamique du salut (FIS), était assassiné à Paris.

Chirac souligne que les «véritables commanditaires» ne sont pas identifiés. Est-ce l’«œuvre du GIA»? «Ou celle de la Sécurité militaire [algérienne], à l’heure où les tentatives de reprise du dialogue entre le FIS et le gouvernement sont loin de faire l’unanimité dans les rangs de l’armée algérienne? La première piste paraît la plus probable», écrit l’ancien chef de l’Etat français.

Avant de poursuivre:

«Mais il est difficile d’évacuer la seconde, dans la mesure où les groupes armés sont souvent infiltrés et manipulés par cette même Sécurité militaire afin de discréditer les islamistes aux yeux de la population et de la communauté internationale».

Mandela, «justice et tolérance»

Chirac consacre de nombreuses pages à Nelson Mandela, icône de la lutte anti-apartheid, «symbole universel de vérité, de justice et de tolérance». L’ex-dirigeant sud-africain est devenu un mythe, lui rendre hommage est un passage obligé de tout homme politique.

Soulignons toutefois que Jacques Chirac affirme s’être engagé «en sa faveur au début des années 70 en participant au financement» de l’ANC «à la demande du roi du Maroc». «Hassan II avait constitué un réseau à cet effet, auquel j’apportais discrètement mon aide personnelle», assure-t-il.

Mohammed VI, l’ami

L’ex-président français consacre quelques lignes au roi du Maroc qui «sait, comme son père, pouvoir compter en toutes circonstances sur mon amitié».

Il l’«encourage» à poursuivre l’ouverture politique en direction des islamistes modérés, «réponse la plus efficace […] aux fondamentalistes et la meilleure façon de préserver la stabilité du Maroc. La monarchie en reste le seul garant à nos yeux».

Wade oublié

Le président sénégalais est brièvement cité dans l’ouvrage, mais Chirac s’abstient de tout commentaire, positif comme négatif.

L’ex-président français a apparemment d’autres références sur le continent:

«en quelques décennies, écrit-il, grâce à quelques hommes d’exception comme Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Nelson Mandela, le continent africain a fourni au reste du monde des exemple admirables de courage, de sagesse et de dignité».

Il cite deux présidents sénégalais sur trois —le troisième (Wade) appréciera…

Rappelons toutefois que Chirac n’avait pas fait le déplacement à Dakar pour assister aux obsèques de Senghor, le 29 décembre 2001. Une absence très remarquée au Sénégal.

Mobutu passé sous silence

Jacques Chirac passe complètement sous silence le soutien de Paris au maréchal Mobutu, renversé en 1997 par Laurent-Désiré Kabila, activement soutenu par le Rwanda et l’Ouganda, lors d’une guerre aux fortes implications régionales, souvent qualifiée par les observateurs de «Première Guerre mondiale africaine». Dommage pour l’Histoire.

Pas un mot non plus sur Jacques Foccart, le «Monsieur Afrique» des présidents de droite sous la Ve République, et qui avait repris du service sous Chirac. Il est décédé en 1997, en pleine offensive des troupes de Kabila sur Kinshasa.

Oublié également le président gabonais Omar Bongo, qui connaissait si bien les arcanes de la vie politique française. 

Il est vrai que le deuxième tome des mémoires de Jacques Chirac ne fait que 607 pages…

Adrien Hart

 

 

La «Françafrique» version Sarkozy


Le parquet de Paris a bloqué le 9 juin 2011 l'élargissement d'une enquête de justice sur les fortunes de dictateurs africains et de leur famille. De quoi accentuer ce rapport confus qu'entretient la France à l'Afrique, et à l'argent.

 Il y a le printemps, arabe et/ou africain, mais il y aussi les stocks d'hiver, ces fortunes colossales, biens mal acquis par les dictateurs africains et arabes, qui pour la plupart dorment d'un paisible sommeil dans des banques européennes. Ces fortunes ont alimenté la colère des peuples du Sud et poussé timidement les Européens du Nord à soutenir les révolutions, mais, le 9 juin 2011, contre toute attente, le parquet de Paris a refusé aux enquêteurs de poursuivre leurs investigations sur les avoirs de trois despotes africains du Congo-Brazzaville, du Gabon et de la Guinée équatoriale.

Ce n'est pas vraiment une surprise, puisque sur la base d'une enquête de 2007 de l'Office central de répression de la grande délinquance financière à propos du patrimoine immobilier et de multiples comptes bancaires de chefs d’État africains, la plainte déposée en 2008 par Transparency International France et l'ONG Sherpa avait été classée sans suite par le parquet de Paris.

L'affaire ressurgit en novembre 2010, lorsque la Cour de cassation française juge recevable l'ouverture d'une enquête judiciaire contre les chefs d’État congolais Denis Sassou-Nguesso, gabonais Omar Bongo (décédé depuis) et Teodoro Obiang Nguema, de Guinée équatoriale, actuel président en exercice de l’Union africaine.

En République du Congo, l'un des principaux partis d’opposition, l'Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads) soutient la procédure en France. Selon Transparency International, le patrimoine immobilier des ces trois chefs d’Etat sur le territoire français serait estimé à 160 millions d’euros. Selon le Comité catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD), ces chefs d’État auraient détourné ces dernières années entre 75 et 135 milliards d’euros. Enfin, pour Tax Justice Network - Africa, membre du réseau international pour la justice fiscale, l’Afrique a déjà perdu près de 556 milliards d’euros du fait de l’évasion fiscale.

Mais, pour le parquet de Paris, l'histoire s'est donc arrêtée alors que l'argent continue à être détourné, ce qui a poussé les enquêteurs à élargir leur investigations sur les 3 ans qui ont suivi le dépôt de plainte en 2008 —ce que la justice française vient de refuser. Décision «ahurissante» pour William Bourdon, l'avocat des parties civiles et président du Sherpa. Cela coûterait trop cher diplomatiquement parlant.

Monsieur 2%

Bien obligée, la France ratifie la convention de l'ONU contre la corruption en 2003, qui fait de la restitution des avoirs frauduleux un principe du droit international. Bien pensant, le président Sarkozy fait la promesse en 2007 lors de son investiture d'en finir avec la Françafrique. Tout en souhaitant «tourner la page des complaisances, des secrets et des ambiguïtés», il reste sur le terrain de l'avidité:

«L’Amérique et la Chine ont déjà commencé la conquête de l’Afrique. Pendant que l’Europe hésite, les autres avancent.»

La même année, il rend un vibrant hommage très paradoxal à Jacques Foccart, personnalité connue du gros réseau Françafrique. Jusqu'à 2011, où il finit par nommer un ministre de l'Intérieur et d'Outre-mer qui n'est autre que Claude Guéant, ancien bras droit de Charles Pasqua, le tout puissant Monsieur Françafrique.

Le président français est lui-même un ami personnel de l'actuel président gabonais, fils de son ami Omar Bongo, tout comme il l'est ami de Denis Sassou-Nguesso —deux des trois présidents touchés par la plainte— ce qui n'est pas de nature à pousser les enquêtes plus loin.

Le problème est-il aussi financier? Possible, dans la mesure où les flux de capitaux illicites sortant d’Afrique représentent en moyenne une vingtaine de milliards d’euros par an, à rajouter au déficit de la balance commerciale française qui a atteint des pics —61 milliards d'euros depuis le début de l'année, en hausse par rapport à l'année dernière— mais qui reste toujours positive avec l'Afrique.

Ce qui contredit le discours de Sarkozy («économiquement, nous n'avons pas besoin de l'Afrique»), arguant du fait que le continent noir ne représente que 2% des échanges commerciaux de la France avec le monde. Ce qui, par ailleurs, est faux: les derniers chiffres des douanes françaises (mai 2011) montrent que les exportations vers l'Afrique représentent 6,6% de l'ensemble des exportations françaises, et les importations 5,4% de l'ensemble de ses importations, soit 6% de ses échanges commerciaux en valeur. Davantage que les échanges de la France avec le Proche et Moyen-Orient, mais surtout trois fois plus que le chiffre annoncé par Sarkozy.

Sans compter que les importations en provenance d'Afrique sont stratégiques: pétrole et gaz d'Algérie, du Nigeria et d'Angola, uranium du Niger pour faire tourner ses centrales, et le cacao —si l'on considère que le chocolat est stratégique pour les dépressifs français de la crise.

Alignement à gauche

Pour ce qui est de la gauche, qui aurait le monopole des bons sentiments, le schéma est globalement le même. Elle n'a pas réagi au refus de l'élargisssement de l'enquête contre les trois chefs d'Etat africains, et, dans ses rapports à l'Afrique, le malentendu est identique. Les années Mitterrand n'ont rien donné de réellement bon à l'Afrique, jusqu'à aujourd'hui, où les ténors de la rose ont «oublié»» de soutenir dans un premier temps les démocrates du continent, pour tenter de se rattraper, un peu lamentablement, par la suite.

Une innovation cependant pour la nouvelle gauche française dans ses rapports à l'argent: en décidant, chose impensable il y a quelques années, de mettre un patron du FMI à sa tête même s'il n'en n'est plus question aujourd'hui avec l’affaire DSK, c'est tout un discours qui change de nature. Pour les socialistes français, le FMI n'est plus cette machine ultralibéraliste à affamer les peuples du Tiers-Monde, Afrique comprise. C'est une sympathique organisation humanitaire. Même si cet avis n'est pas partagé par les socialistes grecs. 

Chawki Amari

 


L'après-Bongo: les messieurs Afrique ont la vie dure


 On n'en finit pas d'enterrer Jacques Foccart. Le «monsieur Afrique du général», devenu en quarante ans d'exercice du pouvoir — dans l'ombre — le symbole de la Françafrique, est mort en 1997 à 83 ans. Mais ses réseaux sont toujours là, bien vivants. Ainsi, le récent décès d'Omar Bongo, le président du Gabon, a été l'occasion de rappeler que c'est Jacques Foccart qui l'avait placé à la tête de l'Etat en 1967.

Le secrétaire général de l'Elysée, chargé des affaires africaines, des questions électorales et du renseignement, avait d'abord recruté Omar Bongo dans les services secrets français, avant de juger qu'il ferait un excellent Président. Un bon remplaçant de son ami Léon Mba. D'ailleurs, quand on lui demandait qui dirigeait le Gabon à l'époque de Mba (au pouvoir de 1961 à 1967), Foccart répondait «C'était lui sans aucun doute. Mais j'étais disponible et il me consultait beaucoup». De 1959 à 1969, Jacques Foccart a «régné» sur l'Afrique francophone de la période gaullienne. Tous les mercredis, il passait un coup de fil à Félix Houphouët-Boigny, le président de la Côte d'Ivoire. Les deux hommes d'influence faisaient le point sur les dossiers en cours. C'était l'époque où un souterrain reliait la Présidence ivoirienne à l'ambassade de France à Abidjan. Ces deux hommes ont notamment décidé d'appuyer la rébellion biafraise afin d'affaiblir le Nigeria, «géant anglophone», proche de Londres et Washington. Ce conflit a fait près de trois millions de victimes.

Foccart a également encouragé la sécession du Katanga, au Congo. De même, il fut l'un des plus fidèles soutiens de Mobutu, dictateur zaïrois de sinistre mémoire qui a régné jusqu'en 1997. Sa proximité avec les dirigeants africains était telle que leurs enfants venaient chercher des œufs de Pâques dans le jardin de «tonton Foccart». Un autre de ses hôtes de marque a été l'empereur Bokassa qui a régné sur la Centrafrique de 1966 à 1979. Un jour de visite, il aurait tiré par mégarde sur la résidence des voisins du «monsieur Afrique du général de Gaulle». Le même président qui, aux dires de Foccart, voulait absolument appeler «papa», son homologue français. Le nom de Foccart a souvent été cité dans les affaires les plus troubles, notamment la disparition de l'opposant marocain Mehdi Ben Barka ou dans des cas d'assassinats d'opposants africains, du Cameroun au Togo. Mais rien n'a jamais été prouvé.

Jacques Foccart savait cultiver la discrétion. Le «sphinx» a déclaré en 1982 : «Je n'alimente pas des réseaux qui n'existent pas avec de l'argent que je ne gagne pas, grâce à des sociétés qui ne sont pas».
En raison de sa réputation sulfureuse et de sa grande proximité avec le général de Gaulle, les nouveaux locataires de l'Elysée ont fréquemment tenté de le tenir à distance. Mais sans y parvenir très longtemps. De Pompidou à Chirac en passant par Giscard, tous ont fait appel à ses services et recouru à ses fameux réseaux. Jusqu'au bout, Jacques Chirac prenait des nouvelles de sa santé et mettait à sa disposition son médecin personnel. Foccart détenait sans doute trop de secrets pour qu'on oublie de le ménager.

Sous le règne de François Mitterrand, la politique africaine perd de sa clarté. Plusieurs lignes s'affrontent. Jean Pierre Cot, ministre de la Coopération, proche de Michel Rocard, souhaite modifier la nature des liens entre la France et l'Afrique. Il est vite marginalisé au profit de Guy Penne et Jean-Christophe Mitterrand, le fils aîné du Président. Cot est limogé en 1982, un an après son entrée en fonction. Guy Penne, conseiller aux affaires africaines de Mitterrand, met ses réseaux francs-maçons au service de la «Mitterrandie». En Afrique francophone, un grand nombre de dirigeants sont des «frères» ou l'ont été, même s'ils se montrent très discrets sur la question. La maçonnerie inquiète les populations africaines, notamment dans les pays musulmans, tels que le Sénégal.

Jean-Christophe Mitterrand, bon connaisseur de l'Afrique, où il a été correspondant de l'AFP, est vite surnommé par ses détracteurs «papa m'a dit». Est-il réellement un nouveau «monsieur Afrique» ou plutôt un simple missi dominici ? Car François Mitterrand suit de très près les affaires africaines. Il s'y intéresse énormément. Les décisions les plus importantes et les plus lourdes de conséquences —notamment au Rwanda— sont prises à son niveau. Mitterrand souhaite aussi que l'argent du pétrole africain serve à financer les campagnes électorales du parti socialiste. Il ne demande pas qu' ELF cesse d'aider financièrement les partis de droite, mais que l'équilibre soit rétabli entre les formations politiques françaises. Toutefois la plupart des dirigeants africains restent plus proches des héritiers des «réseaux gaullistes». Foccart et ses amis sont toujours à la manœuvre. Mais aussi Charles Pasqua qui dispose de ses propres réseaux en Afrique.

Alors que l'élection de Nicolas Sarkozy devait mettre fin au règne des réseaux françafricains, aux dires de l'intéressé qui les avaient dénoncés pendant la campagne présidentielle, il n'en a rien été. Bien au contraire. Le président s'est rapproché de Robert Bourgi, considéré comme le «fils spirituel» de Jacques Foccart. Cet avocat de 63 ans connaît particulièrement bien le continent noir. Né à Dakar, fils d'un homme d'affaires libanais, il a longtemps travaillé avec Jacques Foccart au point de connaître parfaitement les réseaux et les petits et grands secrets de la Françafrique. Il se vante «d'avoir eu la peau» de Jean-Marie Bockel (démis de ses fonctions en 2008, un an après sa nomination). Le secrétaire d'Etat à la coopération voulait enterrer la Françafrique. Une idée qui avait fortement déplu à Bourgi et à Bongo.

Bourgi ne cache pas son scepticisme quant aux chances d'ancrer la démocratie en Afrique. «On ne gouverne pas le monde avec des idéaux» déclare-t-il pour justifier ses contacts réguliers avec des dictateurs. Il cultive une certaine proximité avec la famille d'Omar Bongo, comme avec celle d'Abdoulaye Wade, le président du Sénégal. Avocat talentueux, il plaide aussi pour que Karim Wade, le fils du Président, se voie un jour confier de hautes fonctions. Comme succéder à son père à la tête de l'Etat. Une idée qui n'est pas pour déplaire au Président Wade.

Outre sa grande connaissance de l'Afrique et de ses dirigeants, Bourgi dispose d'un autre atout de poids: sa proximité avec Claude Guéant et Nicolas Sarkozy. Les dirigeants africains savent que s'entretenir avec Bourgi c'est aussi un excellent moyen de faire passer un message à Guéant et Sarkozy. Pourtant, Bourgi sait rester discret. Quand on le compare à Foccart, il préfère botter en touche. Pour lui, le successeur de Foccart c'est... Guéant. Pourtant son influence croissante irrite au plus haut point le quai d'Orsay. «Nous avons l'impression qu'en Afrique, Kouchner est seulement le ministre du Darfour. Le reste relève de réseaux parallèles» s'emporte un diplomate. Ainsi, il y a quelques mois, une entrevue discrète aurait eu lieu à Dakar entre le général Abdelaziz, dirigeant de la junte mauritanienne et Alain Joyandet, le secrétaire d'Etat à la Coopération. Tellement discrète que l'Ambassade de France à Dakar n'en aurait pas été informée. Albert Bourgi aurait joué les intermédiaires. C'est du moins la thèse de diplomates qui ne décolèrent pas.

Quoi qu'il en soit, sous le soleil d'Afrique, les réseaux parallèles ont la vie dure. Du moment qu'ils n'oublient pas le conseil que ce bon vieux Foccart aurait donné à Bourgi : «En Afrique, reste dans l'ombre, tu n'attraperas pas de coups de soleil».

Pierre Malet

 

 

De la Françafrique à la Françafric

 

Secret de Polichinelle depuis des dizaines d'années, le financement occulte des partis politiques français par certains Etats africains fait aujourd'hui les gros titres avec WikiLeaks.

 «Rester à l’ombre pour ne pas attraper de coups de soleil». La formule fétiche de Jacques Foccart, grand maître d’oeuvre de la Françafrique, a pris un coup de vieux. Même la «bonne vieille» Françafrique n’est pas épargnée par WikiLeaks. Ainsi, selon un câble américain récemment publié par El País, des dirigeants gabonais auraient détourné une trentaine de millions d’euros de la Banque centrale des Etats d’Afrique centrale (BCEAC). Ces révélations auraient été faites aux diplomates américains par un haut fonctionnaire de la BCEA.

«Selon la source de l’ambassade, de hauts responsables gabonais, dont l’ancien président Omar Bongo et son fils Ali Bongo ont bénéficié du détournement. (…) La source a déclaré que les dirigeants gabonais avaient utilisé ces revenus pour leur enrichissement personnel, et, sur instruction de Bongo, versé des fonds à des partis politiques français, notamment en soutien du président Sarkozy.»

Ce responsable de la BEAC, interrogé sur les bénéficiaires français, a également expliqué:

«Les deux côtés, mais surtout la droite, particulièrement Chirac et aussi Sarkozy. (...) Bongo était le président préféré de la France en Afrique, c’est la Françafrique classique.»

Ces allégations ne sont pas nouvelles. Quelques jours après la mort d’Omar Bongo en 2009, Valéry Giscard d’Estaing avait rompu la «loi du silence» entourant ce sujet et affirmé que Bongo avait financé la campagne de Chirac lors de la présidentielle de 1981:

«Moi, j’étais président de la République à l’époque. J’ai appelé Bongo et je lui ai dit: “Vous soutenez actuellement la campagne de mon concurrent”, alors il y a eu un temps mort que j’entends encore et il m’a dit: “Ah! Vous savez”.(Ce qui était merveilleux).»

Jacques Chirac avait eu beau dénoncer alors des propos «dénués de tout fondement» relevant d’une «médiocre polémique», il n’avait pas convaincu grand monde. D’autant qu’un député socialiste, André Vallini, a lui aussi reconnu les faits à demi-mot:

«Nous savons tous précisément qu’Omar Bongo a financé de nombreuses campagnes électorales à droite mais aussi à gauche, parfois, peut-être. On l’a entendu dire. Je crains hélas que cela ne soit un peu vrai, y compris concernant la gauche.»

Ces financements de la vie politique sont un secret de Polichinelle. Dans le documentaire Françafrique, récemment diffusé par France 2, Robert Bourgi, qui se présente comme le fils spirituel de Foccart, explique que les hommes politiques français fréquentaient avec assiduité l’hôtel Crillon où Omar Bongo avait ses habitudes. Faisaient-ils la queue uniquement pour s’enrichir intellectuellement de ses fulgurances géopolitiques? On peine à le croire. Bongo a été le premier président reçu à l’Elysée par Nicolas Sarkozy après son élection. Est-ce uniquement en raison du rayonnement international de son pays  d’un million d’habitants? Là encore, on peut être sceptique.

Toujours dans le très édifiant documentaire Françafrique, Robert Bourgi explique également que Jacques Chirac avait pris l’habitude de consulter Bongo en matière de politique française. De lui présenter les «jeunes espoirs de la politique». De lui demander qui serait un bon ministre, qui avait un avenir. Une évolution étonnante de la Françafrique conçue par le général de Gaulle comme un moyen de maintenir une très grande influence de la France dans ses anciennes colonies. Foccart et ses sbires employaient des méthodes très peu orthodoxes, parfois très violentes, mais ils prétendaient agir dans l’intérêt supérieur de leur pays.

Je te paie, tu te tais

Dans la nouvelle Françafrique, ce n’est plus nécessairement la France qui tire les ficelles, mais peut-être celui qui détient le plus gros portefeuille —ou qui arrose le plus facilement. S’il a financé pendant des dizaines d’années des élections françaises, Bongo —qui règne de 41 ans— a sans doute acquis une influence considérable, ainsi que des moyens de pression de taille sur ses obligés de droite comme de gauche.

Dans ces conditions, il devenait sans doute très difficile pour les dirigeants français de lâcher le clan Bongo. L’élection du fils en 2009 a soulevé beaucoup d’interrogations; des diplomates français et américains ont affirmé —par la suite— qu’Ali Bongo avait fait inverser les résultats en sa faveur. Pourtant, la France s’est empressée de reconnaître son élection.

Omar Bongo a toujours été présenté par Jacques Chirac comme un «grand ami» de la France. Il en va de même pour son fils Ali, sous l’ère Sarkozy. Les discours de rupture avec la Françafrique du candidat Sarkozy —ceux qui avaient précédé son élection et qu'avaient très peu goûtés Omar Bongo— paraissent bien loin.

Le Gabon n’est pas un cas isolé. Au Togo, le président Eyadéma était lui aussi connu pour sa grande «générosité». «Il avait souvent des valises bourrées d’argent toutes prêtes pour ses visiteurs français. Même l’extrême droite venait elle aussi chercher sa part. Bien sûr, c’était moins que pour la droite, mais il y en avait pour tous», m’a expliqué un haut fonctionnaire togolais. Un ancien ministre français m’a aussi confié que lors de son passage à Lomé, un président français n’était pas reparti les mains vides. Eyadéma était l’un des plus sanguinaires dictateurs africains. Il était arrivé au pouvoir après l’assassinat de Sylvanus Olympio, président élu, et personne n’osait le critiquer en public. «Trop de membres de ma famille ont disparu», était une réponse fréquente pour expliquer ce mutisme.

Pourtant, Gnassingbé Eyadéma était lui aussi présenté comme un «grand ami de la France» par Jacques Chirac. A sa mort en 2005, son fils Faure lui a succédé lors d’une élection très contestée. Là encore, Paris s’est empressé de reconnaître le sacre du fils, symbole de continuité. Son père avait régné 38 ans.

Sale temps pour Sarko

Ces révélations de WikiLeaks interviennent au pire moment pour Paris. Celui où Sarkozy tente de convaincre Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir en Côte d’Ivoire. Le Temps, un quotidien abidjanais favorable au président sortant, ne s’y est pas trompé: «Sale temps pour le donneur de leçons rattrapé rapidement par son passé très sombre. Le président français, Sarkozy, est au centre de l’un des plus grands scandales de la mafia françafricaine.» Le journal ajoute:

«Pour financer sa campagne, Sarkozy reçoit une grande partie de cet argent pourtant volé dans une banque appartenant à des pays pauvres africains. Entre les discours et les actes, il y a un grand fossé chez Sarko. Du coup, ses figures rhétoriques sur la bonne gouvernance perdent toute leur valeur. On comprend que Gbagbo donne des céphalées à Sarkozy. C’est un empêcheur de voler. Paris sait qu’avec lui on ne peut pas piller comme on le veut les ressources de la Côte d’Ivoire.»

Un discours excessif, démagogique bien sûr, mais qui séduit une partie de l’opinion africaine. Les «relations d’affaires» troubles d’une partie de la classe politique française avec des dictatures africaines ont duré trop longtemps et brouillent le message de la France en Afrique. Même au milieu des plus beaux discours flotte toujours une légère odeur de pétrole, de soufre et d’argent sale. L’amère rançon de la Françafrique.

Pierre Malet

 

 

La France, gendarme de l’Afrique?

 

Côte d’Ivoire et Libye: Paris est sur tous les fronts. Est-ce le retour de la France comme «gendarme de l’Afrique»? Un récent rapport d’information du Sénat français sur la «politique africaine de la France» apporte des éléments de réponse.

 Intervenir, oui mais pas seul. Le «tournant multilatéral» de la politique de sécurité de la France en Afrique est la conséquence du génocide rwandais et ses quelque 800.000 morts. «Le véritable déchirement qu’ont constitué les événements génocidaires au Rwanda en 1994 a mis en évidence les risques d’instrumentalisation d’un engagement strictement bilatéral», relève le rapport.

La France a été accusée d’avoir activement soutenu et protégé des militaires et miliciens rwandais ayant participé aux massacres. Paris a toujours nié mais près de deux décennies après, les relations entre Paris et Kigali ne sont toujours pas apaisées. A noter que le rapport ne parle pas de «génocide» mais d’«événements génocidaires».

Après cette tragédie, Paris va «multilatéraliser et européaniser» sa politique africaine, pour éviter d’être pris seul dans l’engrenage d’un conflit interne.

Le rapport du sénateur Josselin de Rohan (UMP, parti présidentiel) veut croire que «cette nouvelle légitimité de l’action de la France a fait taire les commentaires sur la Françafrique», ces liens sulfureux entre Paris et les dirigeants de ses anciennes colonies.

En Côte d’Ivoire comme en Libye, l’armée française agit sous mandat de l’ONU. A Abidjan, la force Licorne travaillait en étroite coopération avec la mission onusienne sur place, l’Onuci, forte de 10.000 hommes. En Libye, l’armée française intervient dans le cadre de l’Otan.

Le but est d’éviter de répéter le «cauchemar rwandais» et bien sûr les accusations de néocolonialisme. A lire certains commentaires dans la presse africaine, ce n’est pas gagné…

L'Europe, cadre idéal

L’Europe est le cadre idéal des interventions françaises en Afrique. Bruxelles apporte depuis plusieurs années un important soutien financier à l’Afrique pour qu’elle renforce ses capacités de gestion et surtout de règlement de crises.

On est encore loin du but. Comme le souligne avec lucidité le rapport parlementaire, «si l’Union africaine (UA) prononce des sanctions, elle ne dispose pas encore de moyens pour les mettre en application».

«Sur l’ensemble de son budget de 250 millions de dollars [175 millions d'euros], seuls 45 millions proviennent des contributions des Etats membres» et, «au sein de cet ensemble, seuls quelques pays contribuent de manière significative». Ironie de l’histoire, le régime de Kadhafi, visé par les bombes de l’Otan, était un des principaux contributeurs de l’UA.

Le programme de Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (Recamp) est «clairement européanisé et placé sous l’égide de l’ONU» mais «la France en constitue toujours l’ossature et le principal intervenant», selon le document.

Malgré tous ces efforts, la Force africaine en attente, bras armé de cette ambitieuse politique de l’Union africaine, n’est toujours pas opérationnelle.

La crise ivoirienne a en outre montré les limites d’une telle force. Le camp de Laurent Gbagbo avait clairement menacé les pays voisins participant à une éventuelle intervention militaire ouest-africaine, soulignant que la Côte d’Ivoire accueillait sur son sol des millions de ressortissants étrangers dont la sécurité pouvait être gravement compromise. Une telle intervention militaire ouest-africaine aurait pu mettre le feu aux poudres et régionaliser le conflit ivoirien.

La présence militaire française

Aucun pays au monde ne dispose d’autant de militaires basés en Afrique que la France. C’est un atout indéniable pour l’influence de Paris sur un continent de plus en plus convoité, qui compte déjà 1 milliard d’habitants et en aura 2 milliards en 2050. Même si des voix s’élèvent régulièrement pour dénoncer cette présence qui peut sembler anachronique un demi-siècle après les indépendances.

Selon les chiffres 2010, cités dans le rapport parlementaire, les principales implantations sont situées à Djibouti (2.900 hommes), au Sénégal (1.150), en Côte d’Ivoire (930), au Tchad (945) et au Gabon (900). A noter qu’il y a également 1.460 militaires et 1.150 gendarmes sur les îles françaises de la Réunion et de Mayotte, dans l’océan Indien.

Les effectifs des forces françaises en Afrique sont passés de 30.000 hommes aux indépendances en 1960 à moins de 10.000 aujourd’hui, soit un coût de près de 800 millions d’euros par an, selon le rapport, ce qui n’est pas négligeable au vu de la crise économique frappant la France.

Paris ne comptait à terme garder que deux bases: à l’Ouest celle du Gabon située dans une région grande productrice de pétrole et à l’Est celle de Djibouti, emplacement stratégique entre Afrique et péninsule arabique. Mais les choses évoluent rapidement.

Au Sénégal, la France restera présente avec un «pôle opérationnel de coopération à vocation régionale» avec environ 430 militaires stationnés au 31 juillet 2011 et 300 en 2014. L’armée française continuera d’utiliser l’aéroport et le port de la capitale sénégalaise, Dakar. Une présence rassurante pour les 25.000 Français, dont de nombreux binationaux, vivant au Sénégal.

En Côte d’Ivoire, le nouveau président Alassane Ouattara vient de demander le maintien de la base militaire d’Abidjan, que Laurent Gbagbo voulait fermer. Entre 300 et 600 hommes devraient rester à Port-Bouët, près de l’aéroport international, un emplacement stratégique pour les évacuations d’étrangers dans un pays encore convalescent.

Le Royaume-Uni se désengage

Ces dernières années, l’armée britannique, la plus importante d’Europe avec la force française, a joué un rôle quelques fois décisif sur le continent, notamment en Sierra Leone, dévastée par une longue guerre civile (1991-2001).

Malgré d’intenses pressions diplomatiques, Londres n’est jamais venu à bout de l’insubmersible président Robert Mugabe au Zimbabwe. Et n’a jamais fait usage de la force militaire contre l’homme fort d’Harare.

«En raison de son engagement en Irak puis en Afghanistan et de la crise économique qui le touche, le Royaume-Uni n’est plus le partenaire principal [de la France, ndlr] en Afrique», note le rapport parlementaire.

«La Grande-Bretagne s’est désengagée en Afrique de l’Ouest et a retiré les officiers qui étaient insérés dans les troupes des autres pays africains. Ils ne disposent plus que d’un centre de formation à Accra (Ghana) qui sert non seulement à la préparation de leurs forces en Afghanistan mais aussi à la formation de troupes régionales», selon le document.

Les Etats-Unis renforcent leurs missions

Si Londres se retire, Washington accroît sa présence sur un continent qui fournit de plus en plus de pétrole aux Etats-Unis. Les Etats-Unis veulent également contrer la spectaculaire percée chinoise et l’implantation d’al-Qaida au Sahel et en Somalie.

«Les Etats-Unis ont considérablement augmenté le nombre de leurs attachés de défense, organisent des missions de formateurs pour le maintien de la paix, des formations militaires aux Etats-Unis, développent des programmes antiterroristes, de lutte contre le sida…», précise le rapport français.

«Mais depuis l’échec du commandement Africom en 2007, qui visaient à créer des bases militaires en Afrique, les Etats-Unis se sont beaucoup rapprochés de la France en raison de l’expertise qu’elle détient», se félicite le rapport. Cette coopération est particulièrement active dans la lutte contre le terrorisme.

Mais, selon les auteurs du rapport, «contrairement à la France, si les Etats-Unis ont de nombreux moyens, ils sont peu perméables aux cultures des autres ce qui est, en Afrique en particulier, un handicap». Le document ne donne toutefois aucun exemple concret ni précision concernant cette «imperméabilité» supposée des Américains…

En attendant, l’Africom est toujours basé à Stuttgart (Allemagne). Le Liberia s’est proposé pour l’accueillir mais Washington n’a pas donné suite.

D’une manière étonnante, le rapport ne mentionne pas la seule base permanente de Washington en Afrique, implantée à Djibouti dans un ancien camp de la Légion étrangère. Ils s’y sont installés depuis pourtant près de dix ans, juste après les attentats du 11 septembre 2001.

En 2008, le président Nicolas Sarkozy affirmait depuis Le Cap (Afrique du Sud): «La France, gendarme de l’Afrique, c’est terminé.» La France reprendra-t-elle ce rôle, avec cette fois-ci la bénédiction de l’ONU, de Washington, de Londres et de Bruxelles?

L’issue de la crise libyenne, dans laquelle Paris est en pointe, déterminera la future politique de Paris en Afrique.

Adrien Hart

 

 

Sarkozy l’Africain

 

Nicolas Sarkozy était à Yamoussoukro pour l'investiture d'Alassane Ouattara le 21 mai. Jalon d'un retour en force de la France en Afrique, avec des interventions majeures en Côte d'Ivoire et en Libye.

Nicolas Sarkozy a de quoi se réjouir. Lui, que l’on disait peu au fait des réalités africaines. Lui, que l’on disait peu soucieux de se frotter aux réalités du continent, aura connu une belle semaine africaine. La victoire d’Alassane Ouattara, intronisé président de Côte d'Ivoire le 21 mai 2011 dans la capitale Yamoussoukro, c’est un peu la sienne. Et même beaucoup la sienne. Sans l’intervention des troupes françaises de la Licorne, Alassane Ouattara aurait-il réussi à prendre possession du palais présidentiel? Rien n’est moins sûr. La communauté internationale avait reconnu sa victoire à la présidentielle du 28 novembre 2010. Mais Laurent Gbagbo restait maître d’Abidjan, la capitale économique. Les troupes du Président sortant jouissaient d’un bel armement. Elles s’étaient bien préparées à la bataille d’Abidjan.

Nicolas Sarkozy peut se vanter d’avoir fait respecter le verdict des urnes. D’avoir amené la démocratie en Côte d’Ivoire. Dans un contexte préélectoral français, l’image est somme toute valorisante. Lors de son séjour ivoirien, le chef de l’Etat est aussi parvenu à rassurer les Français inquiets après dix ans de crise. «La France gardera toujours des forces militaires en Côte d’Ivoire», a-t-il annoncé devant une foule qui l’a chaleureusement applaudi.

Des forces françaises utiles à Ouattara

La contradiction ne viendra pas d’Alassane Ouattara. Ce dernier a plus que jamais besoin des troupes françaises pour stabiliser son pays. Selon la presse ivoirienne, des mercenaires venus du Liberia seraient encore présents en Côte d’Ivoire. Les partisans de Laurent Gbagbo n’ont pas tous désarmé. Qui sait si un jour une rébellion pro-Gbagbo ne pourrait pas voir le jour au Ghana ou au Liberia voisins? En tout cas, les médias abidjanais s’inquiètent.

Autre question brûlante pour Ouattara: peut-il être certain du soutien de toutes ses troupes? Certains «chefs de guerre» ont noué des liens étroits avec Guillaume Soro, l’ex-chef de la rébellion devenu le Premier ministre d’Alassane Ouattara. Face à des troupes à la loyauté incertaine, Alassane Ouattara a tout intérêt à compter sur un maintien de la présence des troupes françaises et de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci).

Alassane Ouattara a souhaité un renforcement de la base française, car selon lui ces troupes sont précieuses dans la lutte contre le «terrorisme». Le contraste est saisissant avec le discours tenu par les autorités ivoiriennes au cours des mois précédents. Le président Gbagbo avait fait des slogans antifrançais l’un de ses «fonds de commerce». Son ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé, affirmait lors de meetings rassemblant les «jeunes patriotes» que la France préparait un génocide en Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo exigeait la fermeture des bases françaises.

Nicolas Sarkozy lui-même n’avait pas fait mystère de son souhait de fermer ces bases au plus tôt. Il fallait rompre avec les «liens incestueux» de la France avec ses ex-colonies. Il s’agissait d’en finir avec la «Françafrique». Il avait été jusqu’à déclarer à Bamako (Mali) en 2006 que «la France n’avait pas besoin de l’Afrique».

Le chef de l’Etat français semble avoir changé d’avis. Loin de rompre les liens avec les pays du pré-carré, il les a renforcés. Dès son élection à la présidence française en 2007, il a affiché ses liens «d’amitié» avec Omar Bongo, le président du Gabon. Puis, il s’est empressé de reconnaître la victoire électorale de son fils Ali Bongo à la présidentielle de 2010, alors même que les résultats étaient très contestés. Au point que des médias africains se sont demandés si la fraude électorale était plus grave à Abidjan qu’à Libreville. Il est vrai que la famille Bongo n’a jamais caché son affection pour Nicolas Sarkozy et son parti, l'UMP.

Un rôle majeur en Libye

Sur le front libyen, la France aussi joue un rôle majeur. Elle a été l’un des premiers pays à appeler à une intervention militaire pour chasser Kadhafi du pouvoir. De même que Paris fut l’une des premières capitales à reconnaître le Conseil national de transition (CNT).

Si elle intervient, la chute de Kadhafi aura des conséquences énormes dans toute l’Afrique. Celui qui s’était fait proclamer «Roi des rois» par ses pairs africains avait acquis une influence considérable sur tout le continent. En armant des mouvements rebelles, mais aussi en donnant de l’argent aux chefs d’Etat «nécessiteux». Ses pétrodollars lui avaient ouvert la porte de l’Afrique de l’Ouest, notamment des ex-colonies françaises. Son influence était considérable de Niamey (Niger) à Bamako en passant par Ouagadougou (Burkina Faso) ou Cotonou (Bénin).

Kadhafi s’est fréquemment retrouvé en concurrence avec les intérêts français en Afrique, notamment au Tchad. La chute de Kadhafi entraînera une redistribution des cartes: la géopolitique régionale va être bouleversée. Déjà, le président sénégalais, Abdoulaye Wade, a lâché Kadhafi. Il a reçu les représentants du CNT le 19 mai à Dakar.

En contribuant aussi fortement au départ du colonel au pouvoir depuis 1969, la France retrouve un rôle essentiel dans la région. Un rôle de faiseur de roi. Une fonction que beaucoup ne la croyaient plus capable d’exercer en Libye comme en Côte d’Ivoire. Au cours des derniers mois, Paris a surpris les observateurs de sa politique étrangère. Loin de se désengager du continent, la France y effectue un retour en force. D’Abidjan à Tripoli. Dans les valises de Sarkozy l’Africain.

Pierre Cherruau

 


Paris ne fait plus rêver l'Afrique

 

L'image de la "patrie des Droits de l'homme" se dégrade auprès des jeunes Africains. Les sentiments antifrançais s'enracinent.

La France ne s’est pas fait une fort belle image de marque en raison seulement de sa révolution de 1789. Elle a longtemps été la patrie naturelle des intellectuels, des hommes politiques ou de culture martyrisés dans leur propre pays et en quête d’exil. Tout comme elle a été pendant longtemps le réceptacle des étudiants africains. Mais cette image idyllique s’est peu à peu écornée pour donner à la France un visage aujourd’hui défiguré et qui suscite auprès de nombreux jeunes africains un sentiment antifrançais.

Visa contre humiliations

Autrefois, étudier en France était le couronnement du cursus normal des jeunes Africains. Presque un rite, un parcours initiatique. Chose qui relève maintenant d’un véritable parcours du combattant, tant l’obtention des visas que la France accorde avec parcimonie rebute plus d’un. Au point de conduire tous ceux qui le peuvent à se détourner de la France pour le Canada ou les Etats-Unis.

Pour obtenir un visa d’entrée sur le territoire français, il faut généralement accepter de subir moult humiliations. Il suffit d’aller à n’importe quel consulat de France en Afrique pour s’en rendre compte. De l’attente à l’accueil très peu courtois, en passant par les nombreux refus de dossier, tout est soigneusement mis en œuvre pour décourager voire humilier le demandeur. Parfois même lorsqu’il justifie pourtant des moyens requis et des conditions exigées.

«J’ai mis 14 ans avant de remettre les pieds en France, en dépit des multiples invitations d’amis français. Tout simplement parce que je me refuse à accepter les humiliations par lesquelles il faut passer pour avoir un visa», confie Serge Félix N’Piénikoua, journaliste de son état.

Le durcissement de la législation en la matière se comprend toutefois dans l’opinion publique africaine, en raison de la ruée de nombreux jeunes africains vers l’Europe, qu’ils considèrent encore comme un eldorado. Les tristes spectacles d’immigrés vers Lampedusa, Ceuta, Melilla sont là pour le rappeler. Mais l’application de cette loi se fait malheureusement sans discernement dans bien des cas.

Une France de plus en plus xénophobe

Au-delà de cet épineux problème, la montée de la xénophobie à l’égard des Africains en France —qui s’accompagne de celle du Front national— n’est pas sans impact sur le continent noir. Beaucoup d’Africains de la diaspora ou qui séjournent en France n’ont de cesse de se plaindre du délit de faciès ou du racisme auxquels ils sont souvent confrontés. Ce qui conduit de plus en plus d’Africains à «réciproquer» vis-à-vis des Français.

«Les jeunes du Maghreb expriment parfois de la haine à l’égard des Français pour des raisons qui ne sont pas toujours justifiées, mais c’est leur sentiment», confie un jeune diplomate français qui a vécu cette situation.

Si dans le paysage politique africain il n’existe pas encore de partis qui recrutent des militants en jouant sur des sentiments xénophobes, cela risque bien d’arriver un jour. La France est encore la seule des anciennes puissances coloniales à être omniprésente dans la vie sociopolitique, voire économique de ses anciennes colonies.

Paternalisme et résurgence du néocolonialisme

Une situation qui est loin d’arranger l’image de la France, quand on sait que dans sa politique elle ne défend pas toujours les valeurs qui sont les siennes mais plutôt ses intérêts, au mépris parfois des principes les plus élémentaires du point de vue des droits de l’Homme et de la démocratie. Certaines pseudo-démocraties sont ainsi soutenues pendant que d’autres sont décriées, c’est le fameux «deux poids, deux mesures». La Tunisie et l’Egypte en constituent l’illustration la plus éloquente, et l’engagement de Nicolas Sarkozy en Libye n’est pas étranger à cet état de fait.

En Afrique noire, le fort sentiment de résurgence du paternalisme et du néocolonialisme avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir contraste avec l’image que l’on avait de la France jusqu’à une époque récente, encore sous Jacques Chirac. Même si, dans le fond, la politique africaine de la France n’a pas changé. Le tollé général suscité par le discours de Sarkozy à Dakar selon lequel «l’Afrique n’est pas assez entrée dans l’Histoire» n’a pas non plus contribué à améliorer l’image de marque de la France en Afrique —bien au contraire.

Dans des pays du Maghreb comme le Maroc ou la Tunisie, la présence de plus en plus massive d’Européens n’est pas toujours bien perçue, surtout par des nationaux qui vivent de plus en plus mal avec la cherté de la vie et la flambée des prix de l’immobilier, dûe à l’installation de plus en plus d’Européens —et plus particulièrement de Français. Des Maghrébins qui ne comprennent pas que les leurs fassent l’objet de vives discriminations en France cependant que leurs dirigeants accueillent les Français dans leurs pays en leur offrant toutes les facilités.

Mais c’est avec la crise en Côte d’Ivoire qu’elle a pris le plus grand coup. Les relations houleuses que l’ancienne puissance colonisatrice a entretenues avec le régime du président Laurent Gbagbo font que les manifestations antifrançaises y sont quasiment quotidiennes. Au point de fait dire au leader des «jeunes patriotes», Charles Blé Goudé, que «la Côte d’Ivoire n’est pas une sous-préfecture de la France». Un point de vue largement partagé en Afrique, y compris par ceux qui ne soutiennent pas Gbagbo.

De toute évidence, au regard de ce qui se passe un peu partout en Afrique, la France a tout intérêt à redorer son blason, terni par l’absence d’une politique et d’une diplomatie efficaces vis-à-vis du continent et surtout de ses peuples, avec lesquels subsistent beaucoup d’incompréhensions —en l’occurrence sur les valeurs qui fondent la République française et qu’elle défend. Des valeurs affichées et revendiquées, et qui offrent un contraste saisissant avec ses agissements en Afrique.

Marcus Boni Teiga

 


Conseil consultatif sur les réformes politiques : Consensus sur la refondation de la CENI après les élections de 2012

 

Les membres du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) ont poursuivi les travaux sur les propositions de réformes, ce jeudi 7 juillet 2011 à Ouagadougou. Les échanges ont porté sur la réforme de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), l’identification des électeurs, le mode de scrutin, la sincérité du vote et la question des candidatures indépendantes.

Le Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) a achevé hier, l’axe 3 des propositions de réformes portant sur "l’amélioration de la gouvernance électorale". La refondation de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), le recrutement de ses membres, l’exclusion des militants des partis politiques des membres de la CENI, sont les sous-points qui ont fait, entre autres, l’objet des échanges entre les conseillers. Dans l’ensemble, les participants ont estimé qu’il faut maintenir la CENI dans sa composition actuelle (majorité-opposition-société civile) pour les élections couplées législatives-municipales de 2012. Mais ils ont tous reconnu que cette structure a créé et continue de créer d’énormes problèmes entre ses membres à telle enseigne qu’elle fonctionne difficilement.

Au vu de ces difficultés de fonctionnement, les conseillers, à l’unanimité, ont proposé une refondation complète de la CENI après les élections de 2012 au profit d’une Administration électorale indépendante. Selon les intervenants, cette nouvelle structure composée d’experts en élection pourra faire un travail professionnel empreint de qualité et d’efficacité afin de garantir le bon déroulement du processus électoral au Burkina Faso. Les divergences ont surtout porté sur le maintien ou non de la société civile dans la nouvelle CENI. A ce niveau, les avis sont partagés. Des conseillers ont souhaité que les Organisations de la société civile (OSC) soient exclues de la nouvelle structure qui sera chargée du processus électoral.

"Les OSC ont plus contribué à rendre difficile le fonctionnement de la CENI", ont dit certains. D’autres ont par contre estimé qu’il faut définir clairement ce qu’est l’OSC et qui sont ceux qui devront y faire partie avant de la maintenir dans la nouvelle administration chargée des élections. Dans la suite des débats, les membres du CCRP sont d’avis que les membres de la CENI, à l’avenir, doivent avoir le niveau de la classe de Terminale dans les centres urbains et au moins la classe de 3e dans les communes rurales. "Pour plus d’efficacité dans leur travail, leur formation doit être de qualité", a dit un participant. Le maintien de la composition tripartite de la nouvelle structure qui remplacera l’actuelle CENI a été souhaité avec une troisième force qui pourrait être constituée de religieux et de chefs traditionnels.

Sur la question de la révision annuelle du fichier électoral, une majorité des conseillers a estimé que cela garantirait une fiabilité du fichier, étant donné qu’il pourrait y avoir des décès ou l’inscription de nouveaux électeurs. "La permanence des démembrements de la CENI va coûter cher en termes de finance à l’Etat burkinabè". Cette thèse a donné lieu à des divergences entre les conseillers, mais une grande majorité l’a finalement épousée car "les démembrements ne doivent être fonctionnels que pendant les campagnes électorales", ont-ils relévé. S’exprimant sur la proposition concernant l’exclusion des militants des partis politiques parmi les membres de la nouvelle CENI, les conseillers ont estimé que celle-ci ne se justifiait pas, mais qu’il fallait trouver des mécanismes pour garantir l’impartialité de ces derniers pour une transparence du processus électoral.

Quant à la création d’un collège de sages en remplacement de la CENI, elle a été rejetée en bloc par l’ensemble des participants.

La CNIB, seul document pour s’inscrire et voter

La question de l’identification des électeurs a amené les acteurs à faire une proposition de réforme. Il s’agit de l’institution de la Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) comme unique pièce pour s’inscrire sur la liste électorale et pour voter le jour du scrutin. La carte d’électeur devenant ainsi un simple récépissé qui indiquera le lieu de vote de l’électeur. Les conseillers ont justifié cette proposition par le fait que la carte d’électeur vient en doublon à la CNIB qui est déjà assez fournie en informations, son existence en tant que pièce principale n’est plus nécessaire. Le point sur la sincérité du vote portait sur l’interdiction ou non des gadgets, des dons en nature et en espèces lors des campagnes électorales.

A ce niveau, les avis étaient partagés en ce sens que nombre de participants ont trouvé que leur présence faussait le jeu électoral. Les gadgets contribuaient, selon eux,à l’achat des consciences, à la corruption et créent une pression sur les opérateurs économiques. Prenant le contre-pied de cette vision, une frange des conseillers, notamment celle issue de la majorité, s’est dit favorable à l’utilisation des gadgets car "ils font aujourd’hui partie d’un phénomène culturel qui fait que même quand on part au village, on distribue des gadgets", a dit un conseiller de la majorité.

Autres arguments avancés par les partisans de cette thèse, c’est que les gadgets contribuent à l’animation de la campagne comme c’est le cas aux Etats -Unis et en France. Les plus hésitants sont pour son maintien, mais avec des mécanismes qui rééquilibrent le jeu électoral tout en réduisant le fossé entre candidats "riches et pauvres". La question des candidatures indépendantes aux municipales et législatives 2012 n’a pas non plus fait l’objet de consensus. Ceux qui sont pour son instauration se sont justifiés par le fait que les candidats issus des partis politiques sont souvent redevables à ces derniers qu’à leurs électeurs. "Il y a même des crises au sein des partis dans la désignation du candidat", a soutenu un conseiller.

Pendant ce temps, ceux qui s’y opposent, même s’ils sont d’accord que l’article 12 de la Constitution donne droit à tout Burkinabè d’être éligible et d’être électeur, ils indiquent que les candidatures indépendantes ne sont pas opportunes "Non seulement, elles vont engender des coûts pour le budget de l’Etat, mais matériellement, cela va poser un véritable problème que la CENI actuelle ne pourra pas gérer", a martelé un des participants. "Les gens doivent se déterminer s’ils veulent assurer la gestion du pays", a dit un conseiller de la majorité. D’autres ont estimé que les candidatures indépendantes vont grossir le nombre de candidats et être difficilement gérable par la CENI.

La question du mode de scrutin

Le mode de scrutin a concerné deux sous-points. Le maintien de la liste nationale électorale et l’institution de la région comme circonscription électorale. Sur le premier sous-point, il n’ y a pas eu de consensus entre les membres du CCRP, mais une majorité tend vers le maintien de la liste nationale. En effet, des conseillers ont estimé que son maintien rend le scrutin plus proportionnel et est favorable aux partis dits petits. Aucun consensus non plus sur le second sous-point, mais les participants sont plus favorables à la région.

Selon certains intervenants, la région renforce le processus de décentralisation, rééquilibre les forces politiques à l’Assemblée nationale et rend donc le parlement pluriel comme ce fut le cas après les élections de 2002.

Aujourd’hui, les membres du CCRP aborderont l’axe 4 de leurs travaux à savoir, le renforcement de la gouvernance globale. Avec comme sous-points, entre autres, le système éducatif et la jeunesse, la réforme sur la santé, la défense et l’armée.

Souleymane KANAZOE

 

 

Office national des télécommunications : Ces vandales qui nous privent de téléphone et d’Internet

 

 

 

L’Office national des télécommunications (ONATEL) subit d’énormes dégâts de ses installations. Pour mieux informer le public, ses responsables ont organisé, ce jeudi 7 juillet 2011, une visite de terrain avec les hommes de média dans plusieurs secteurs de la ville de Ouagadougou. La situation est préoccupante à l’ONATEL : des câbles téléphoniques et même la fibre optique reliant Ouagadougou aux régions de l’Ouest et du Centre-Ouest ont été endommagés ces derniers temps.

225 actes de vandalisme dont 24 sur le réseau de câbles à fibre optique pour des préjudices se chiffrant à plus de 845 millions de francs CFA, 23 dégâts causés par les entreprises de travaux publics pour des préjudices subis de plus 640 millions de francs CFA, telles sont les statistiques des dégâts et actes de vandalisme fournis par les responsables de l’ONATEL pour l’année 2010. Les montants cumulés des préjudices sont estimés à plus d’1 milliard 485 millions de francs CFA.

Durant le premier trimestre de l’année 2011, l’office a connu la recrudescence des actes de vandalisme mais aussi des dégâts sur ses installations. 252 actes de vandalisme sur le réseau d’accès, 10 dégâts sur le réseau de câbles à fibre optique, 19 dégâts causés par les entreprises de travaux publics et autres usagers de la route. « L’évaluation totale de ces préjudices est en cours mais la particularité de cette année est que les vols de câbles et actes de vandalisme qui étaient limités à la Direction régionale du Centre se sont étendus aux autres Directions régionales qui étaient jusque là relativement épargnées », a indiqué le directeur général de l’ONATEL-SA, Mohammed Morchid, au cours d’une conférence de presse tenue à l’issue de la visite de terrain.

De Somgandé (secteur n°25) dans l’arrondissement de Nongr-Massom au secteur n°18 à celui de Boulmiougou, en passant par les secteurs n°28, 30, 17, ce sont plusieurs mètres de câbles qui ont été sectionnés et emportés par des individus non encore identifiés. Selon les responsables de l’ONATEL, les câbles sectionnés sont recherchés pour le cuivre, matériau utilisé dans le travail du bronze. Du coup, ce sont des milliers d’abonnés de l’ONATEL-SA qui sont privés du téléphone fixe, de l’Internet…

A en croire Idrissa Nandia, chef de Service installation et service après-vente (SISAV), les actes de vol et de vandalisme sont opérés entre 2 heures et 5 heures du matin. « Quand ils viennent, ils ouvrent la chambre téléphonique où passent les câbles multi-paires qui desservent les secteurs de la ville de Ouagadougou et ils les coupent. Nous avons des câbles de deux types : des câbles de transport et des câbles de distribution. Ils coupent aussi bien le câble de distribution que le câble de transport. Ils sectionnent tout et tout le secteur est dans le black-out total ; aucune ligne de téléphone ne marche, ni le fixe ni le mobile… », a expliqué Idrissa Nandia.

Et comme le souligne le chef de Centre des travaux et réseau d’accès de l’ONATEL, Mamadou Konaté, le dégât subi est immense en termes de câbles, de temps de réparation. Et il se chiffre à des centaines de millions de francs CFA. Tous les quartiers de Ouagadougou sont concernés par le phénomène, de même que les villes de Bobo-Dioulasso, Kaya, Ouahigouya. Ces actes de vandalisme et les dégâts ont pour conséquences l’impossibilité de desserte téléphonique des secteurs, localités et villes ; l’interruption des communications téléphoniques entre des régions du Burkina et entre le pays lui-même et l’étranger, pour ce qui concerne le réseau de fibre optique.

Selon le directeur général Mohammed Morchid, ces actes de vandalisme et de dégâts « compromettent le développement de l’Internet large bande, dans la mesure où le réseau filaire est le support inégalé à ce jour de l’Internet haut débit ; ils portent atteinte à la sécurité des biens et des personnes ; en outre, ils ont un impact négatif sur l’activité économique et l’image du pays. Enfin, les actes de vandalisme et les dégâts ont un impact négatif sur les performances de l’ONATEL et par conséquent, sur les recettes de l’Etat (Taxe sur la valeur ajoutée, impôt sur les sociétés, etc.) »

Un appel à la population burkinabè

Le président de la Ligue des consommateurs du Burkina (LCB), Pierre Nacoulma qui est allé constater de visu l’ampleur des dégâts a lancé un appel à tous les consommateurs afin que ceux-ci contribuent à sécuriser les installations de l’ONATEL. « Quand on voit l’ampleur des dégâts, on a un pincement au cœur. On se dit que c’est l’argent du contribuable qu’on a jeté. Il est vrai que c’est l’ONATEL mais l’ONATEL ne vit que sur l’argent des consommateurs. Il faut bien qu’il y ait des consommateurs pour que l’ONATEL puisse renflouer ses caisses et pouvoir rendre ce service qui, malheureusement, est pratiquement détruit ; chaque fois il faut recommencer.

Ce qui les empêche d’étendre leur réseau et de faire des investissements, parce qu’ils passent leur temps à faire des reprises », a déploré Pierre Nacoulma. Face à cette situation dommageable pour le pays, le président de la LCB a lancé un appel aux populations afin qu’elles aient une attitude citoyenne. « Pour ceux qui sont à côté de ces cabines, dès qu’il y a des mouvements suspects, qu’ils puissent interpeller l’autorité pour qu’on puisse mettre la main sur ces vandales qui causent un grand tort aux consommateurs. Je lance aussi un appel à l’adresse des autorités judiciaires, des forces de défense et de sécurité, qu’elles redoublent de vigilance pour que les consommateurs puissent vraiment profiter de ces services », a-t-il lancé.

Des actions de sécurisation sont entreprises par l’ONATEL à travers le déploiement de vigiles pour la protection des installations, des opérations de soudure des chambres téléphoniques ou de bétonnage sont aussi menées. Les forces de défense et de sécurité qui participent à la sécurisation de ces installations auraient appréhendé un groupe de délinquants armés de pistolets automatiques et munis de matériel pour sectionner les câbles le 6 juillet dernier dans la région du Nord.

Enok KINDO (Sidwaya)

 


Bouillon de Culture : Les orchestres et les bars de Ouaga


Les anciennes habitudes renaissent depuis quelques temps dans les bars à Ouaga. Les orchestres ont recommencé à jouer dans ces lieux de réjouissances. Certains s’attachent les services des musiciens à l’occasion des fêtes. Il y a des maquis où sont établi des orchestres. Chaque fin de semaine le live y est joué. La clientèle est composée majoritairement d’adultes et de personnes qui sont à l’orée de la 3ème âge, mais n’empêche que des jeunes aussi fréquentent ces coins. Même si la plupart préfèrent aller se trémousser dans les boîtes de nuit ou dans des dancings au son de la musique à la mode. Pendant ce temps les rythmes prisés dans des orchestres relèvent pour l’essentiel de leurs répertoires de la musique du bon vieux temps.

Ceux qui ont la quarantaine écoutent des mélodies qui ont bercé leurs enfances et ceux qui ont plus se souviennent d’un passé de jeunesse ou l’amour et certains idéaux guidaient les pas des jeunes. A Ouaga des groupes comme les Elites du Faso et AFUNI font la pluie et beau temps. Le reproche fait à ses musiciens ce de jouer invariablement les mêmes tubes à toutes leurs soirée. Alors qu’il y a bien d’autres chansons qui méritent d’être revisitées. Un autre couac, ce sont ces griots des temps modernes qui peuvent monopoliser le micro chantant les louanges d’un parfait quidam pendant que les mélomanes attendent d’écouter un autre air. Les musiciens de circonstances qui font souvent des instruisions dans les soirées sape l’élan de l’orchestre.

Sans oublier quelques clients qui pour raison de proximité avec le chanteur tiennent à lui parler pendant qu’il chante. Malgré ces insuffisances, le live dans le bar redonne vie à la musique. Il permet à la nouvelle génération de s’habituer aux réalités du live. Le temps des musiciens de play back est révolu. Les orchestres constitueront des creusets d’apprentissage pour la jeune génération qui désire embrasser une carrière musicale. Pour ce qui concerne le Ministère de la Culture on ose croire qu’avec le nouveau ministre qui paraît sérieux les choses vont véritablement changé. Les artistes attendent des actions concrètes du ministère. Ils veulent des appuis pour vivre de leurs arts.

On est presque convaincu que sans les Institut Français les artistes allaient mourir de faim. Ce ministère pèche par le manque d’idée que par le manque de moyen. Ses agents se complaisent dans le fonctionnariat sans aucune capacité de libération de génie pour faire avancer la Culture. En entendant les musiciens peinent à faire leurs boulot parce qu’ils ne peuvent pas acheté le matériel qui coûtent excessivement cher. Et on préfère prendre ses amis pour jouer du play back dans la manifestation que de permettre à un orchestre de jouer et lui donner un bon cachet pour qu’il puisse faire face à ses besoins en matériel et subvenir aux besoins de ses membres.

Merneptah Noufou Zougmoré (L’Evénement)

CCRP : L’armée et la magistrature au menu des discussions

 

L’ordre du jour du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) de ce mercredi a porté sur l’armée et la magistrature. Deux institutions qui ont plus ou moins défrayé la chronique pendant la récente période d’instabilité que vient de vivre le Burkina Faso. Evidemment, les communications relatives à ces deux problématiques ont suscité beaucoup d’intérêt de la part des conseillers.

Sur la seule communication concernant l’indépendance de la magistrature, ils étaient au total 24 conseillers à réagir, soit par des commentaires, soit par des questions. Les magistrats peuvent –ils être indépendants au Burkina ?, est-il normal que des militaires fassent, comme cela s’est passé à Ouaga et à Fada, libérer leurs collègues condamnés ?, pourquoi le traitement des dossiers à la justice traîne autant et que faut-il faire pour remédier à cela ?, quelles réformes peuvent-elles être envisagées pour garantir plus d’indépendance à la magistrature ?

L’ancien président de la Cour de Cassation

Ce sont entre autres les préoccupations adressées à l’auteur de la communication, Cheick Dimkinsido Ouédraogo, ancien premier président de la Cour de Cassation admis à la retraite en janvier dernier. Sur la première question, l’avis du juge de grade exceptionnel est que les juges, notamment ceux du siège, peuvent l’être à partir du moment où ils disposent d’instruments juridiques favorables à cela. « C’est le juge qui fait son indépendance », a-t-il lâché.

Pour ce qui des militaires qui obligent à la libération de leurs camarades emprisonnés, le communicateur pense que ce n’est pas normal. Pour revenir aux cas spécifiques de Ouaga et de Fada, il a dit que c’était finalement après recours que les militaires incarcérés ont été élargis. S’agissant des dossiers qui durent en justice, M. Ouédraogo a dit que c’était d’abord dans l’intérêt des parties pour permettre à celles qui le désirent d’explorer toutes les voies de recours. « Une bonne justice ne doit pas être expéditive », a-t-il indiqué.

Un CSM comme au Rwanda ?

Toutefois, pour lutter contre les retards excessifs, il estime qu’un délai peut être donné au juge pour rédiger sa décision car il arrive souvent qu’un jugement non rédigé contribue à ralentir la machine judiciaire, en particulier à l’étape suivante quand une partie désire se pourvoir en appel. Mais, encore faut-il que le juge ait de quoi rendre disponible sa décision, au vu, parfois du manque de matériel bureautique dans les tribunaux.

Pour garantir plus d’indépendance à la magistrature, l’ancien président de la Cour de Cassation n’exclut pas que soit envisagé, à l’image de ce qui se passe au Rwanda, un système où les postes de président et de vice-président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ne sont pas occupés par le Président du Faso et le ministre de la Justice, tous deux membres de l’exécutif.

En résumé, l’avis du communicateur Ouédraogo est que le Burkina Faso dispose d’un cadre juridique propice à l’indépendance des magistrats, avec cependant une possibilité d’amélioration de la composition de l’instance dirigeante, le CSM.

L’armée et la démocratie au Faso

Avant M. Ouédraogo, c’est le colonel Moussa Cissé, porte-parole de l’armée pendant la récente crise socio-politique, qui s’est entretenu avec les membres du CCRP sur le thème : « Armée républicaine et démocratie ». Dans sa communication, le colonel Cissé a rappelé la mission de défense des frontières nationales de l’armée et celle subsidiaire dans la lutte contre la grande criminalité à l’intérieur.

Il s’est en outre attardé sur le rôle de la grande muette dans le renforcement de la démocratie et de la stabilité politique, faisant allusion à la crise de 1978 où l’action des Forces armées nationales (FAN) a été déterminante dans le retour au calme lorsque des militaires campaient devant la Présidence de la République.

Evidemment, il a évoqué la récente mutinerie de Bobo qui a été contenue, toute chose qui a permis au pays de retrouver la paix. La grande muette insubordonnée au politique Toutefois, tirant toutes les leçons de ce qui vient de se passer, le communicateur a fait un certain nombre de constats. Il a noté l’indiscipline au sein des FAN avec une rupture entre les chefs et les subordonnés, une sorte des pertes de valeurs et traditions militaires. Le colonel Cissé a par ailleurs relevé le fait que l’armée a failli au principe de subordination au politique.

Les discussions des conseillers ont tourné entre autre autres autour de la responsabilité des uns et des autres dans la situation, sur ce qu’il faudrait faire pour que notre armée redevienne plus républicaine. Au sujet des actions à engager, la formation et le traitement des soldats ont été abordés. Mais il n’est pas raisonnable selon le communicateur de stopper les recrutements car l’armée a toujours besoin du sang neuf sur le terrain. Pour ce qui des responsabilités, beaucoup pensent qu’elles sont partagées.

« Les hommes politiques ont leur part de responsabilité. Avec ce qui s’est passé, des gens voulu justifier la violence. C’est là une erreur politique qu’ils devraient éviter de commettre. Il faut faire la part des choses entre ce qui est légalement permis et ce qui ne l’est pas. Nous devons tous défendre le socle commun, à savoir l’Etat de droit et la démocratie », a martelé un baron de la majorité.

Grégoire B. BAZIE (Lefaso.net)

 


Anonymous : derrière le masque, des hackers révolutionnaires

 

Par Antony Drugeon 

 

 

 

Ils n'ont que trois ans et ils font peur aux plus grandes puissances, des Etats-Unis à l'Iran en passant par le Royaume-Uni, mais aussi aux firmes multinationales. Qui sont les hackers de « Anonymous », ces pirates informatiques experts dans l'art de mettre hors-service un site web ?

Au fil des cyber-attaques, ce mouvement aux contours flous, énième progéniture de la culture web, entend bien faire passer un message : la défense de la liberté d'expression par tous les moyens, même illégaux.

En défendant les fuites de documents confidentiels de WikiLeaks, ou en s'en prenant tant aux gouvernements tunisien et égyptien pendant les révolutions dans ces pays qu'à Hadopi en France, les « Anons » s'imposent dans le débat public. Mais leur défi des lois leur vaut d'être surveillé et traqués par les polices du monde entier.

Les « plus beaux coups » des Anonymous

► La scientologie

En 2008, les Anonymous apparaissent aux yeux d'un – relatif – grand public en faisant une déclaration de guerre tout aussi solennelle qu'ambitieuse à la scientologie. « C'est probablement ce qui a popularisé les Anonymous », selon Guillaume Champeau, rédacteur en chef du journal en ligne Numerama.com, interrogé sur le plateau d'Arrêt Sur Images. (Voir la vidéo de la déclaration de guerre)

► Wikileaks (opération Riposte)

Mais c'est en soutenant WikiLeaks que les Anonymous sont vraiment devenus des poils-à-gratter du Web de premier rang. Alors que les fuites des documents confidentiels avaient semé la zizanie dans les relations internationales, les entreprises proches de WikiLeaks (Paypal, MasterCard et Visa) ont dû couper les ponts avec le site web dirigé par Julian Assange. Privé de ressources financières au faîte de sa gloire, le site WikiLeaks a alors reçu l'aide des Anonymous, décidés à venger ces autres partisans de la liberté totale de l'information.

Entre-temps, les pirates d'Anonymous avaient croisé le fer avec les ayants droits des studios hollywoodiens, au nom du droit au partage de fichiers. Une parfaite illustration de la guerre entre les internautes et l'industrie du cinéma ou de de la chanson, sous le nom de code opération Payback.

► Le printemps arabe

Les révolutions arabes ont permis aux hackers de jouer un rôle tout aussi politique, mais plus consensuel. En soutien aux révolutionnaires, les pirates ont lancé des attaques contre les serveurs gouvernementaux en Tunisie puis en Egypte.

Les Anonymous s'intéressent-ils à la France ?

Un compte Twitter se présentant comme Anonymous France existe, et plusieurs discussions sur Internet d'« hacktivistes » français ont été découvertes.

Mais le seul fait d'arme majeur dans l'Hexagone des pirates Anonymous est la menace d'exclure d'Internet Frédéric Lefebvre, alors porte-parole de l'UMP, plaisanterie qui n'avait été en réalité qu'une promotion médiatique pour le mouvement, et sa lutte contre la secte scientologue. Juste un « LOL » donc. Sauf pour Frédéric Lefebvre.

Pourquoi ce masque ?

Le seul « visage public » des Anonymous est ce masque, qui est initialement celui qui cache le visage de V, le héros de la bande dessinée « V pour Vendetta ». Le film du même nom (2006) a encore popularisé ce masque rieur.

Ce personnage, très cultivé et anarchiste, cherche à libérer son peuple de l'oppresion d'un gouvernement autoritaire, en éveillant les citoyens, mais aussi sans hésiter à user de la violence. (Voir un extrait du film « V pour Vendetta »)

Mais la référence à ce masque semble tenir davantage du vague clin d'œil que de la profession de foi politique.

Peut-on rattacher les Anonymous à une idéologie ?

Nihilistes, anarchistes, les Anonymous ? Leur discours glorifie la liberté d'expression, conspue l'autoritarisme, refuse les compromis. Le ton de leurs communiqués est comme posé et exalté à la fois :

« Anonymous a fait son choix. Nous prendrons parti. Nous apporterons notre aide aux personnes qui luttent pour la liberté d'expression, de rassemblement, et de communication – les droits civiques essentiels pour les peuples afin de construire leurs propres futurs.

Nous ne pardonnons pas.

Nous n'oublions pas.

Redoutez-nous. »

Les Anonymous seraient-ils de romantiques révolutionnaires épris de liberté, des guévaristes du Web 2.0 ? Un sympathisant français de ce mouvement, qui requiert évidemment l'anonymat, a un tout autre avis :

« Je trouve que ce genre de mouvement, qui utilise beaucoup le LOL et la rhétorique d'un langage absurde et violent, ressemble beaucoup au mouvement dadaïste de l'entre-deux guerres. »

Le LOL, tout un programme ? La déclaration de guerre à la scientologie se fait au nom de [leur] amusement, tandis que les plantages de sites web sont considérés par ces « hacktivistes » comme des sit-in numériques, l'équivalent virtuel d'une simple manifestation. Une blague ou un coup de gueule sans conséquence.

Un communiqué des Anonymous est d'ailleurs venu expliquer que le vol de coordonnées bancaires, que Sony leur avait reproché, ne rentrait pas dans leurs pratiques. Les Anonymous cultivent l'image de pirates s'attaquant au FMI en soutien à la Grèce, aux multinationales, comme dernièrement Apple, plutôt qu'aux particuliers.

Les Anonymous ont-ils un chef ?

La question n'est pas tranchée : généralement, plus on est partisan des Anonymous, plus on répond par la négative. A contrario, les adversaires de cette rhétorique d'« agit-prop' » soulignent la présence probable sinon d'un chef, du moins de leaders influents.

De fait, ils n'ont pas besoin de chef pour mener leurs attaques.

Beaucoup pensent donc qu'Anonymous est plus un état d'esprit et une façon de procéder qu'une structure avec une liste de membres et une division du travail en interne.

Comment agissent-ils ?

Pour qu'un site de leur choix tombe hors service, il « suffit » que beaucoup de personnes s'y connectent en même temps. Pour faciliter ce genre de coordination, les Anonymous utilisent un logiciel, appelé Loic, qui peut amplifier leurs requêtes sur le Web. Saturé par cet excès de transfert de données, le site plante. Seulement 3 000 personnes ainsi équipées auraient suffi pour l'opération Riposte contre PayPal, MasterCard et Visa.

Le plus dur est simplement de se concerter, ce qu'ils parviennent à faire quelque fois sur des sites de partage d'images comme 4chan, ou sur des protocoles IRC, messageries instantanées familières chez les geeks.

Quelles critiques reçoivent-ils ?

On leur reproche souvent l'utilisation de jeunes sans compétence et vulnérables. On les appelle des « skiddies ». Ce sont des jeunes, curieux de bidouiller sur leur ordinateur, qui se laissent convaincre que devenir pirate est facile. Ils reçoivent une notice toute prête, et partent à l'assaut de tel ou tel site… Mais ils sont souvent facilement repérables, faute de savoir masquer leur connexion.

C'est ainsi que la presse a pu faire sensation avec la découverte (par le FBI) en Auvergne d'un « cerveau des Anonymous » de 15 ans seulement.

 

 

Comment la guerre en Libye peut-elle se finir ?

 

Par Pascal Riché 


Malgré les efforts des insurgés libyens et plus de 100 jours de frappes aériennes menées par l'Otan sous l'autorité d'un tandem franco-britannique, la guerre engagée pour faire tomber Mouammar Kadhafi n'a pas encore été couronnée de succès.

Et les messages envoyés au dictateur, en vue de trouver une solution « honorable » à la crise, n'ont pas non plus donné de résultat…

La situation est devenue plus compliquée encore avec le mandat d'arrêt international délivré lundi par la Cour de justice internationale contre le dictateur Libyen, pour crime contre l'humanité. Kadhafi sait en effet désormais ce qui l'attend s'il perd la guerre…

Où en sont les insurgés ?

Il semble que les insurgés, depuis leur première victoire à Benghazi, gagnent lentement du terrain, très lentement. Syrte semble très difficile à prendre. Le but est de prendre en tenailles Tripoli, où se trouve le pouvoir Libyen. Lorsqu'il y aura une « masse critique » de combattants autour de la capitale, une offensive sera possible.

► Tripoli en tenailles

A l'Est, le port de Misrata

Les habitants ont réussi à reprendre leur ville aux forces loyalistes, avec l'aide d'armements français fournis par bateaux par le Qatar et les Emirats arabes unis. Ces armes ont transité par Benghazi, port tenu par les insurgés, plus à l'Est.

Au Sud, le massif de Djebel Nafoussa

Insurgés et loyalistes se partagent diverses localités de la chaîne de montagnes située au sud de Tripoli, une région berbère. Mais les premiers gagnent du terrain. Ils sont aidés par des parachutages d'armes par des avions français : des mortiers, des missiles anti-chars Milan notamment (mais aucune arme anti-aérienne : on ne sait jamais dans quels mains termineront ces équipements…).

La ville-clé qui reste à prendre est Garyan, où les forces Kadhafistes sont retranchées.

► Le nerf de la guerre : Brega

Le port pétrolier de Brega est stratégique, car c'est la zone pétrolifère de la Libye. Une fois que les insurgés le tiendront, ils n'auront plus de mal à financer leur guerre.

L'Otan bombarde avec constance les forces de Kadhafi, qui avaient réussi à tenir Brega depuis le mois d'avril. Il semble que le vent tourne, et que Brega soit sur le point de tomber.

► Des problèmes de coordination

Les opérations sont menées par des chefs de guerre de clans différents, qui ne se coordonnent pas, ou très peu. Les conseillers techniques dépêchés par les pays de l'Otan ne semblent pas d'une grande aide.

Selon une source française, leur capacité de frappe « pourrait être multipliée par trois, quatre ou cinq s'il existait une meilleure coordination ».

Tripoli peut-elle tenir ?

Le problème de Mouammar Kadhafi, ce ne sont pas les armes : elles regorgent en Libye. « Son problème, c'est l'essence et la nourriture », commente une source française qui suit de près les opérations. Selon cette source, les soldats au service de Kadhafi, qui sont souvent des mercenaires, auraient actuellement « le moral dans les chaussettes » face aux pénuries d'essence et de nourriture.

Les insurgés des montagnes de Nafoussa auraient réussi à couper le pipeline reliant Tripoli à une raffinerie controlée par des loyalistes près de Zouïa, selon le journal The National, d'Abou Dabi.

Or, aucune arme, aucun stock de munition n'ont d'utilité si l'on ne peut les déplacer… C'est à cause d'une pénurie de carburant que les forces de l'Axe ont perdu la guerre en Libye contre les Anglais en 1942.

Selon la correspondante du Figaro, des files de voitures, pouvant dépasser un kilomètre, se forment devant les stations d'essence. Les insurgés tiennent en effet les raffineries de l'est du pays. Elle constate également que « l'achat de pain relève d'un véritable parcours du combattant ».

Kadhafi peut-il négocier sa sortie ?

La France et la Grande-Bretagne ont envoyé des messages pour amener le dictateur à quitter le pays. En vain. Dimanche, lors de l'émission « RTL-Le Figaro-LCI », le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé assurait que la recherche d'une solution politique « avançait » en Libye. Les alliés n'ont qu'une exigence : le départ du dictateur.

Mais le mandat d'arrêt délivré par la Cour pénale internationale (CPI) complique les choses. Si Kadhafi décide de quitter le pouvoir, il devra trouver refuge dans un pays qui n'a pas ratifié de la Convention de Rome du 17 juillet 1998 : Soudan, Venezuela (on n'ose citer la Chine ou les Etats-Unis…). Ce qui rétrécit ses choix…

Six raisons de s'intéresser (enfin) au Nigeria, moteur de l'Afrique

Par Marie Kostrz 

 

Les dernières élections au Nigeria ont provoqué plus de 500 morts et, au-delà des violences, cette démocratie est le pays africain le plus peuplé, le premier producteur de pétrole du continent et un de ses foyers artistiques, intellectuels et universitaires le plus fécond.

Après les élections législatives du 9 et présidentielle du 16, le Nigeria a élu, le 26 avril, toujours sur fond de violence, les gouverneurs de 24 de ses 36 Etats. Pourtant, ce pays recèle de nombreuses richesses, pas seulement pétrolières.

Au-delà de l'affrontement chrétien-musulman

A première vue, les affrontements semblent religieux : les partisans musulmans, majoritaires dans le Nord, affrontent les supporters chrétiens, présents essentiellement dans le Sud. Eric Guttschuss, chercheur spécialiste du Nigeria à Human Rights Watch (HRW), précise que la situation est beaucoup plus complexe :

« La frontière entre politique et religion est très floue. Quand une personne est ciblée, savoir si c'est à cause de sa religion ou de ses opinions politiques est difficile. La religion est souvent un moyen utilisé pour marquer l'opinion d'un individu, rien de plus. »

Depuis l'élection présidentielle, plus de 500 personnes auraient trouvé la mort lors d'affrontements dans le Nord du pays. La victoire de Goodluck Jonathan, vice-président sortant, chrétien et originaire du Sud, est contestée par le camp de Muhammadu Buhari, son rival musulman du Nord du pays.

Elu avec 57% des suffrages exprimés, le nouveau leader, qui avait pris les rênes du pays après la mort d'Umaru Yar'Adua en 2010, est accusé de fraudes. Human Rights Watch était sur place pendant l'élection. Leslie Haskell, présente à Oyo, dans le Sud-Ouest du pays, affirme que le scrutin a été beaucoup plus transparent que lors des élections précédentes :

« Nous n'avons pas vu de fraudes, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en a pas eu. On a assisté à des irrégularités : des enfants qui votaient, des agents électoraux qui ne respectaient pas la procédure à la lettre. Mais avant, il y avait carrément des vols d'urnes ! »

253 ethnies : des milliers de combinaisons politiques

Lors de l'indépendance du pays en 1960, véritable mosaïque ethnique, le gouvernement a voulu s'assurer que les trois ethnies majoritaires n'allaient pas dominer les 250 plus petites. L'Etat fédéral a établi une représentation « autochtone » dans chaque gouvernement local : les ethnies établies historiquement sur le territoire ont obtenu plus de pouvoir que d'autres, installées plus récemment. Cette organisation a eu une conséquence de taille, comme le précise Eric Guttschuss :

« Dans les faits, des ethnies ont été privées de certains postes : emplois publics, accès à l'université par exemple. Encore maintenant, pour y accéder, vous devez être munis d'un certificat prouvant votre indigénéité. »

Selon les Etats, des ethnies chrétiennes ou musulmanes ont été marginalisées politiquement et économiquement, ce qui a créé des tensions. Selon Eric Guttschuss, ce sont ces frustrations qui ont rejailli lors de l'élection : les habitants du Nord qui ne sont pas considérés comme autochtones ont été suspectés d'être du Sud, donc chrétiens et par la même occasion de soutenir Goodluck Jonathan.

Les affrontements trouveraient ainsi leurs racines dans une frustration économique et une opposition politique : la Nord a en effet été marginalisé par rapport au Sud, qui dispose de ressources pétrolières abondantes.

HRW tient à préciser que les musulmans ont été victimes d'agressions au même titre que les chrétiens.

Un des principaux pays producteurs de pétrole

Le Nigeria est le premier producteur de pétrole du continent, et le sixième au monde. 1,9 million de barils sortent quotidiennement de ses raffineries. Cet atout reste malheureusement inexploité : la corruption a dissout toute chance de voir cette manne pétrolière être redistribuée à la population Nigeriane. Eric Guttschuss explique :

« Les dirigeants sont extrêmement riches mais la plupart des Nigerians vivent encore dans une pauvreté abjecte. Il n'y a aucune répartition des richesses. »

Avec une telle production de pétrole, les tensions internes ont une influence sensible sur les cours mondiaux. Les tensions qui secouent le Nigeria depuis un mois inquiètent les experts. La banque allemande Commerzbank a déclaré que la situation représentait un « risque sérieux » pour les cours du brut. Elle alerte :

« Si le Nigeria devait lui aussi perdre de sa capacité de production, il en résulterait un problème d'approvisionnement en pétrole de haute qualité. »

Ce n'est pas la première fois que le contexte politique Nigerian aurait des répercussions hors des frontières du pays. En 2007, lors des précédentes élections, les groupes rebelles du nord avaient obstrué les exportations du pays en attaquant les infrastructures pétrolières.

Avant et pendant les élections, le Parti démocratique du peuple (PDP) alors au pouvoir avait voulu maintenir son contrôle sur les revenus issus du pétrole en finançant ces gangs. En attisant la violence et la fraude électorale, le PDP cherchait à se maintenir au pouvoir.

Nollywood : troisième producteur de films au monde

Certes, le Nigeria est tristement célèbre pour sa pauvreté endémique, mais il est aussi l'un des principaux producteurs de films au monde. Environs 1 500 films sont réalisés chaque année dans ce pays africain. Ces productions artisanales sont très peu diffusées dans les salles de cinéma. Leur transmission s'effectue majoritairement via DVD au sein des familles.

Le phénomène Nollywood, qui date des années 70, a été un temps boudé par les universitaires qui ne considéraient pas ces productions comme professionnelles. Mais face aux améliorations techniques des caméras, leur nombre et leur diffusion se sont accrus. Depuis quinze ans, Nollywood connaît un véritable essor.

Comme le souligne Françoise Ugochukwu, professeure de littérature comparée, auteure et spécialiste du géant africain, la notoriété du cinéma Nigerian a traversé depuis longtemps les frontières du pays :

« Les vidéos ont envahi le Ghana, pays voisin, mais ce n'est pas tout : cette production a servi de modèle à toute l'Afrique de l'Est. Nollywood a influencé l'industrie cinématographique en Tanzanie, Zambie ou encore en Afrique du Sud. »

La diaspora Nigeriane peut sans problème retrouver ces films à l'étranger. D'après Françoise Ugochukwu, il existe à Londres pas moins de 800 magasins qui en proposent. Une chaîne satellitaire en a même fait sa spécialité. Les dernières réalisations sont également disponibles sur Internet.

Julien Hamelin, journaliste, a consacré un documentaire au phénomène. (Voir la bande-annonce)

Une littérature aussi riche que méconnue en France

Sans doute à cause du barrage linguistique, la littérature Nigeriane a pendant longtemps été peu diffusée en France. Ancienne colonie britannique, le Nigeria publie en effet l'essentiel de ses œuvres en anglais. Françoise Ugochukwu retrace son émergence :

« Les missionnaires arrivés à la fin du XIXe siècle ont soutenu la publication de littérature en langue locale. Lorsque les Britanniques ont colonisé le pays au début du XXe, ils ont encouragé la littérature anglophone. »

Des circulaires ont donné l'ordre d'enseigner en anglais, afin de former des cadres intermédiaires. Les Igbos et les Yorubas, deux groupes du Nigeria, ont largement profité de cet enseignement. Françoise Ugochukwu précise :

« Jusque dans les années 70, beaucoup de Nigerians n'avaient jamais étudié dans leur langue natale ! »

La littérature est très inspirée de la vie des régions dont les auteurs sont originaires. Un « aspect reportage et engagé » commun aux œuvres Nigerianes, dixit Françoise Ugochukwu, qui a sans doute séduit le prix Nobel de littérature.

En 1986, le Nigerian Wole Soyinka est en effet le premier auteur africain et noir à décrocher le célèbre prix suédois. L'obtention de cette récompense a boosté la traduction des livres de cet auteur en anglais et aussi en français.

Wole Soyinka n'est pourtant pas le seul auteur Nigerian à être mondialement reconnu. Chinua Achebe est le premier écrivain à avoir romancé son pays en anglais. Avec « Le Monde s'effondre », il a projeté la culture igbo sur la scène internationale. Plus facile d'accès, il est très apprécié au Nigeria et a influencé d'autres auteurs, parmi lesquels Chimamanda Ngozi Adichie, célèbre pour « L'Hibiscus pourpre », ouvrage sur l'adolescence.

Une formation universitaire moteur et prestigieuse

Avec une centaine d'universités, le Nigeria est un pays attractif pour les étudiants des pays limitrophes. En plus des universités fédérales et étatiques, beaucoup d'établissements privés ont été fondés par des Eglises ou des grandes compagnies. Majoritairement anglophones, elles sont convoitées par les étudiants des pays alentour, pour la plupart francophones. Mais ce n'est pas la seule raison : à l'échelle régionale, les universités Nigerianes ont été pendant longtemps symbole de prestige.

Françoise Ugochukwu, ancienne professeure de littérature à l'université de Nsukka, se souvient :

« La fac avait un grand prestige car le niveau d'études était très élevé, beaucoup d'universitaires publiaient à l'étranger, beaucoup de Camerounais voulaient par exemple obtenir un diplôme. »

Cette renommée tend cependant à décliner. Face à la crise économique qui n'en finit pas, les universités ont de moins en moins de moyens matériels. La fuite des cerveaux a pris le dessus.

Photo : des Nigerians font la queue pour voter aux élections législatives, le 9 avril 2011, à Kano (Joseph Penney/Reuters).

 


Angeli, patron du Canard : « une paranoïa contre les journalistes »

 

Par Zineb Dryef 

Entretien avec Claude Angeli, red chef du Canard enchaîné, qui a révélé le rôle de Sarkozy dans l'espionnage des journalistes.

 

 

Je vois déjà son bureau. Surchargé de ces dossiers qu'on dit « sensibles », les murs recouverts de unes célèbres du Canard et d'originaux des dessinateurs et pourquoi pas, même une machine à écrire. « Monsieur Angeli va descendre », m'annonce-t-on finalement. Je ne verrai donc rien ; la pièce où l'on s'installe est plutôt dépouillée : une table, un téléphone, un tableau.

Les écoutes. Déjà, au début des années 70, sa grande affaire concernait les écoutes. On est en 1973, George Pompidou est au pouvoir, Le Canard déplaît. Le 13 juin, l'hebdomadaire publie la transcription manuscrite d'une écoute téléphonique de Claude Angeli dialoguant avec Gaston Gosselin, journaliste économique [1]. Quelques mois plus tard, l'affaire des plombiers éclate : des agents de la DST ont tenté d'installer des micros dans les locaux de l'hebdomadaire en se faisant passer pour des plombiers.

Les décennies ont filé mais pas les mauvaises habitudes du pouvoir. Le 2 novembre dernier, le rédacteur en chef du Canard révélait que les enquêteurs de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur), sur ordre du président de la République, espionnaient les journalistes en scrutant leurs factures téléphoniques détaillées.

Entretien avec Claude Angeli, 79 ans dont près de quarante au Canard, où il s'applique toujours à dévoiler ce que les milieux de la Défense et du renseignement s'échinent à garder secret.

Comment avez-vous travaillé pour obtenir cette information ?

On travaille en s'appuyant sur un réseau d'informateurs dans la magistrature, l'industrie, les ministères, dans l'armée, les services… Puis un jour : coup de chance ! Dans ce cas précis, les informations viennent de l'intérieur de la DCRI. Je connais les gens, je sais qu'on n'est pas manipulé, d'autant qu'à l'intérieur du service, ils défendent leur patron, ils expliquent qu'il n'aime pas ça.

Ce n'est pas propre à Nicolas Sarkozy…

C'est arrivé dans le passé que le pouvoir essaye de savoir qui sont les sources dès qu'une information est gênante. Sarkozy est un maniaque, il veut savoir de quelle façon l'affaire Bettencourt a pu sortir, notamment les PV dans Le Monde…

Dans le cas du Canard, c'est Kouchner qui voulait savoir comment les gens du Quai d'Orsay informent le Canard. Un pouvoir démocratique doit s'interdire cela. Il y a des lois qui protègent les journalistes, tant qu'il ne s'agit pas de terrorisme ou d'espionnage pour le compte de l'étranger. Dans ces affaires, on n'est pas dans ce cas-là.

Dans vos articles, il y a des sources mais pas de preuves.

Je vais vous faire une révélation : je n'ai pas le document « présidence de la république, Nicolas Sarkozy - Bernard Squarcini est prié de surveiller les journalistes Dupont, Duval et machin. » Le Canard a une certaine réputation et ne se lance pas dans ce genre de choses sans savoir.

Quelle pourrait être la preuve dans ce cas ? Un enregistrement d'une conversation entre Squarcini et Sarkozy ? Squarcini qui, dans une note écrite, demande qu'on surveille tel ou tel journaliste ? Je doute qu'ils soient si imprudents… Mais il y a des gens de chez lui qui nous informent. On sait qu'une enquête interne a été lancée pour savoir qui m'avait informé.

En 1973, il y a eu la tentative d'installer les micros au Canard. On a su que c'était la DST, on a pu publier les noms d'une partie des gens impliqués. Quelle preuve matérielle avions-nous ? Aucune. J'ai rencontré deux des plombiers, un documentariste les a interrogés, ils ont reconnu. A un moment, Le Canard sait, Le Canard publie. Le 23 mars 2005, quand j'ai sorti que Nicolas Sarkozy était sur écoute, est-ce qu'il avait trouvé ça farfelu ?

Quelles vont être les suites d'une telle affaire ? C'est assez grave.

Bernard Squarcini va porter plainte mais on ne l'a toujours pas reçue. Nous, on a mis en cause Sarkozy. Squarcini se sent diffamé comme si c'était diffamatoire de dire qu'il obéit à Sarkozy.

Il m'a téléphoné la veille de la parution. Il a contesté le titre, m'a dit qu'il n'avait pas besoin du Président pour recevoir des instructions, qu'il pouvait s'autosaisir, qu'il enquêtait sur les sources, pas sur les journalistes… Sauf que ça retombe aussi sur les journalistes.

De votre côté, je veux dire.

Tout le monde est surveillé. Le Monde, Mediapart, Libé, peut-être d'autres journaux. L'autre jour, le Président a piqué une colère contre Franz-Olivier Giesbert : il l'a traité de « rat d'égout » et de « personnage fétide ». Je ne sais pas si Giesbert est sur écoutes, je n'en sais rien… Mais il y a une espèce de paranoïa contre les journalistes qui se mêlent de ce dont ils doivent se mêler.

C'est complètement farfelu parce qu'ils ne nous empêchent pas de publier ce qu'on veut, la liberté de la presse existe. On peut nous faire un procès mais on verra bien le jour du procès.

Est-ce que vous sentez que vos sources ont peur ?

Non, ça va.

Ce n'est pas lassant d'être écouté depuis trente-cinq ans ?

Mais non, il faut pas être parano non plus !

Mais il ne se passe jamais rien après ces révélations…

Il n'y a pas que la presse. Vous savez, ces généraux qui ont signé un texte sous la signature Surcouf un 18 juin dans Le Figaro pour mettre en cause le Livre blanc de la Défense. On a envoyé la DCRI à l'école militaire, ils ont saisi les ordinateurs d'officiers pour trouver qui étaient les gens de Surcouf. Ce n'était ni du terrorisme, ni de l'espionnage.

Les officiers aux Etats-Unis s'expriment dans la presse, critiquent le Président même. Bon, parfois le Président n'est pas content, il vire comme il a viré McChrystal mais là-bas, on parle. Pour la guerre d'Afghanistan, on ne vote même pas à l'Assemblée. De de Gaulle à Sarkozy, il y a eu six présidents de la République qui ont envoyé leurs troupes au Tchad pour se battre. Six Présidents : aucun débat.

En Grande-Bretagne, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Espagne, en Italie… partout on débat, sauf ici. On est en démocratie, c'est très bien mais on a un pouvoir trop centralisé, il n'y a pas assez de contrôle du pouvoir par les élus.

Ce qui est grave, c'est que dans l'opinion, on s'habitue. Beaucoup de journalistes s'y habituent même si maintenant, comme Sarkozy est bas dans les sondages, je trouve beaucoup plus de journalistes un petit peu plus insolents. Un petit peu. Vous avez vu le spectacle l'autre soir ? « Mme Chazal, répondez ! »

Vous ne vous autocensurez jamais au Canard ?

Il y a des choses qu'on ne publie pas. Mettons, si c'est en rapport avec des questions de terrorisme ou d'espionnage, si ça peut entraver la sécurité. C'est pas une médaille, c'est une logique. En politique, on ne censure rien, si ce n'est la vie privée.

En politique justement, la manipulation n'est jamais loin.

On peut être manipulé. La manipulation, ça peut être de vous filer une information fausse, mais on joue notre réputation, il faut vérifier. On peut vous donner une information attribuée à X, puis X va être identifié comme une source du Canard. Ou mettre en cause un rival. En page deux, il y a toutes ces phrases très bien informées, ça peut être parfois un peu… [il ne dit rien, ndlr] mais ce n'est rien. C'est la comédie de mœurs, les querelles classiques. La manipulation, c'est vouloir détruire.

[1] L'extrait peut être lu dans l'enquête de Karl Laske et Laurent Valdiguié, Le Vrai Canard aux éditions Stock.

Photos : Claude Angeli dans les locaux du Canard enchaîné à Paris, le 19 novembre 2010 (Audrey Cerdan/Rue89).

Rokhaya Diallo, nouvelle bête noire des racistes

Nouvelle égérie de la lutte antiraciste en France, Rokhaya Diallo tente de développer un militantisme qui déconstruit les préjugés, trop souvent présents en filigrane dans les blagues ou les compliments.

Rokhaya Diallo semble peiner à définir laquelle de ses multiples activités prime sur les autres. Productrice de dessins animés ou chroniqueuse pour la radio et la télé? Activiste féministe et altermondialiste ou militante antiraciste? Au fond, la jeune femme de 33 ans dit ne pas vouloir choisir. Il n’empêche, c’est ce dernier volet de ses activités qui l’a révélée au grand public.

Elle s’engage dans le militantisme avec la foi des nouveaux convertis, avec passion et enthousiasme. D’abord chez les altermondialistes d’Attac, puis avec l’association féministe Mix-Cité, un mouvement mixte pour l’égalité de sexes. Elle s’investit aussi au sein du Conseil des jeunes de la Courneuve, en banlieue parisienne, une ville qui l’a vue grandir, après sa naissance dans le IVe arrondissement de la capitale française.

Un autre point de vue

Un engagement citoyen finalement presque ordinaire, pour celle qui apparaît aujourd’hui comme la bête noire des «néo-racistes» qui tiennent le haut du pavé dans nombre de médias français. Et c’est d’ailleurs pour leur opposer un autre son de cloche que Rokhaya Diallo et un groupe d’amis fondent en 2006 l’association Les Indivisibles:

«Le traitement politique et médiatique de l’affaire du foulard entre 2003 et 2004 et de la révolte des banlieues en 2005 m’a mise hors de moi. J’ai réalisé à ce moment qu’il était urgent de riposter et de se battre pour faire entendre un autre point de vue», lance la jeune femme.

Dès lors, le but des Indivisibles est de servir d’espace de vigilance et d’outil de riposte à toutes les dérives racistes, par le biais du Net. Rokhaya et sa bande de copains cherchent, eux aussi, à occuper l’espace médiatique pour «que cesse la partition de la nationalité française selon une apparence géographique».

Et c’est justement à travers les médias, à la télé précisément, que Rokhaya Diallo va faire parler d’elle. Après des premiers débats dès 2005 sur Public Sénat, la chaîne parlementaire française, pendant les émeutes des banlieues, la militante se fait connaître grâce à ses joutes verbales avec certains polémistes bien connus en France, comme les journalistes Eric Zemmour, Elisabeth Lévy ou encore Robert Ménard.

La jeune activiste n’hésite pas à foncer bille en tête pour renvoyer ses interlocuteurs dans les cordes, et pense que ceux-ci se sont délibérément fait une spécialité de verser dans la provocation.

«Ce qui me pose problème, c’est que certaines personnes parmi les plus médiatisées instrumentalisent le racisme pour faire carrière», relève-t-elle en évoquant un débat télévisé qui l’a opposée à Zemmour en mars 2010, et au cours duquel ce dernier avait affirmé qu'en France «la plupart des trafiquants sont noirs ou arabes» —propos pour lesquels il a du reste été condamné par la justice.

L'humour comme antidote

Et c’est l’une des premières grandes satisfactions de Rokhaya dans son combat contre les dérives racistes dans la société française, ainsi que contre toutes les formes de discrimination. Une satisfaction qui s’ajoute à la visibilité que prend, depuis 2009, la cérémonie des Y'a Bon Awards, une cérémonie organisée depuis trois ans par Les Indivisibles pour «distinguer» les propos les plus racistes.

Car le parti pris de l'association, c’est d’utiliser l’humour comme stratégie de défense et de riposte:

«L’humour aide à rendre les choses audibles. Et finalement, cela correspond peut-être à notre génération et à notre époque. C’est peut-être aussi ce qui fait notre différence avec des associations plus anciennes comme SOS Racisme.»

Une différence qu’elle tient d’ailleurs à souligner. Autant elle traque pour les dénoncer à la radio et à la télévision (elle est notamment chroniqueuse à Canal+) les grandes dérives racistes, autant elle s’attaque avec fermeté a toutes les formes de racisme que l’on retrouve bien souvent dans les préjugés, les blagues ou même dans les compliments que l’on adresse aux noirs en pensant bien faire, et qui ne relèvent pourtant, selon elle, que d’un racisme inconscient.

C’est ce «racisme atmosphérique» que la jeune femme décrit avec humour dans son récent ouvrage, Racisme: mode d’emploi (Larousse, 2011).

«Dans les soirées, lorsque le DJ a la bonne idée de lancer de la musique à consonance africaine ou antillaise, certains regards se tournent vers moi attendant sans doute que je revête ma ceinture de bananes pour me déhancher», écrit-elle.

Une manière de décortiquer, encore une fois, les mécaniques du racisme ordinaire par le biais de l’humour. La cofondatrice des Indivisibles n’hésite pas à s’exprimer de manière familière:

«Le débat sur le foulard me soûle. Je trouve qu’il y a une forme d’hystérie à ce sujet.» Ou encore: «Ce n’est pas un kiff que de militer. Le militantisme antiraciste professionnel, je pourrais m’en passer…»

Elle combat le racisme, mais dit n’en avoir jamais été victime:

«Je n’ai jamais été traitée de "sale noire" [...] Le fait que je sois noire n’est pas un élément qui prime sur le reste. Quand je me lève le matin, je ne me détermine pas rapport à ça.»

Petites ambiguïtés

Rokhaya Diallo revendique sa «francité», mais clame tout son attachement au Sénégal, dont sont originaires ses parents. Elle a d’ailleurs le projet de demander la nationalité sénégalaise «pour résister à tout le débat sur la binationalité en France». Elle n'était pas allée à Dakar depuis ses 15-16 ans, mais y est retournée en décembre 2010, à l’occasion du Festival mondial des Arts nègres.

Elle dit comprendre le wolof (la langue la plus parlée au Sénégal), même si elle n'a jamais appris à le parler. «Je me suis toujours senti des liens avec l’Afrique», affirme-t-elle. Et d’évoquer l’œuvre du cinéaste Sembène Ousmane ou de la romancière et essayiste malienne Aminata Traoré.

Rokhaya Diallo surprend aussi quand, au cours de la conversation, elle lâche le mot «intégration»:

«Mes parents nous ont donné, à mon frère et moi, des outils pour nous "intégrer" comme des petits Français». Avant de préciser, en pesant les mots, qu’elle utilise ce terme du point de vue de ses parents, «primo-arrivants en France à l’époque, et qui estimaient qu’il y avait un nécessaire processus d’intégration. Ils ont changé d’avis depuis le temps».

 De ses parents, venus de Gambie et du Sénégal, la jeune Rokhaya dit avoir retenu un principe qui guide son engagement aujourd’hui: 

«Ne jamais se laisser faire.»

 Un principe qui lui sert donc dans ses actions militantes mais aussi lors de débats avec des grosses pointures de la politique comme Henri Guaino, conseiller politique du président français Nicolas Sarkozy.

C’est peut-être aussi ce qui la pousse à cosigner, en juin 2010, dans le quotidien français Libération, une tribune dans laquelle elle apporte son soutien à cinq jeunes de banlieue accusés d’avoir tiré sur des policiers. Le texte, d’une rare violence, est vivement critiqué.

 C’est peut-être, enfin, ce principe qui la pousse à rejeter le terme de «diversité», de plus en plus utilisé dans l'Hexagone pour évoquer les Français d’origine étrangère:

«Je n’aime pas ce mot, parce qu’il ne veut rien dire. On a l’impression que c’est d’un pays étranger qu’on parle quand on évoque la diversité. Alors qu'en principe, tout le monde devrait y être inclus.»

Raoul Mbog

 


Les premiers textes électroniques

 

Par Marie Lebert

 

 

 

 

Les premiers titres purement électroniques sont des textes courts de tous ordres, souvent politiques au début, recensés par les Etext Archives, créées en 1992 par Paul Southworth. Viennent ensuite les e-zines (zines électroniques), rédigés par une personne ou un petit groupe sur des sujets plus culturels que politiques, et recensés par l’E-Zine-List, une liste créée en 1993 par John Labovitz.

Qu’est-ce exactement qu’un zine ? John explique sur le site : « Pour ceux d’entre vous qui ne connaissent pas le monde du zine, “zine" est l’abrégé de "fanzine" ou "magazine" selon votre point de vue. Les zines sont en général l’oeuvre d’une personne ou d’un petit groupe, souvent rédigée pour le plaisir ou pour des raisons personnelles, et sont le plus souvent irrévérencieux, bizarres et/ou ésotériques. Les zines ne sont pas des publications grand public - le plus souvent ils ne contiennent pas de publicité (sauf parfois des publicités pour d’autres zines), ils ne sont pas dirigés vers une audience de masse et ils ne visent pas un profit commercial. Un "e-zine" est un zine qui est distribué en partie ou uniquement sur des réseaux électroniques tels que l’internet. »

Les Etext Archives

Les Etext Archives sont créées en 1992 par Paul Southworth, et hébergées sur le site web de l’Université du Michigan (États-Unis). Elles sont « un lieu d’accueil pour les textes électroniques de tout genre, du sacré au profane, et du politique au personnel », sans juger de leur contenu. Cinq ans plus tard, elles comportent six sections: (a) une section «E-zines», qui regroupe des textes électroniques périodiques qui vont du professionnel au personnel ; (b) une section «Politics», qui regroupe des zines politiques, des essais et des pages de groupes politiques; (c) une section «Fiction», qui regroupe des publications d’auteurs amateurs; (d) une section «Religion», qui regroupe des textes religieux grand public ou non; (e) une section «Poetry», qui est un mélange éclectique de poésie surtout amateur; et enfin (f) une section «Quartz», qui comprend les archives auparavant hébergées à quartz.rutgers.edu.

 


Comme indiqué sur le site à l’époque, « le web venait de débuter [en 1992], le gopher était la nouvelle technologie de pointe et le FTP était encore le protocole standard d’extraction de l’information pour la grande majorité des utilisateurs. L’origine du projet a incité de nombreuses personnes à l’associer avec l’Université du Michigan, bien qu’il n’ait existé en fait aucune relation officielle et que le projet soit entièrement le fait du travail des volontaires et de dons personnels. Le matériel est la propriété exclusive des responsables du projet. Le projet a été lancé en réponse à l’absence d’archivage organisé de documents politiques, de périodiques et de discussions diffusées par le biais de Usenet sur des newsgroups tels que alt.activism, misc.activism.progressive et alt.society.anarchy.

Le groupe alt.politics.radical-left a rejoint le projet plus tard et il était aussi une source importante de documents et de contributeurs réguliers. Peu de temps après, les zines électroniques (e-zines) ont débuté leur prolifération rapide sur l’internet, et il était clair que ces publications souffraient de la même absence de collecte coordonnée et de préservation, sans parler du fait que la frontière était floue entre les e-zines (qui à l’époque était surtout liés au hacking, au phreaking et à l’anarchisme internet) et les documents politiques présents sur l’internet, si bien que la plupart des e-zines étaient en phase avec l’objectif original des Etext Archives. Une chose en amenant une autre, des e-zines de toutes sortes - dont de nombreux titres sur divers sujets culturels non liés à la politique - ont fini par envahir nos archives en volume significatif. »

L’E-Zine-List

L’E-Zine-List est créée en été 1993 par John Labovitz pour recenser les e-zines circulant dans le monde entier et accessibles par FTP, gopher, courriel, le web ou d’autres services. La liste est actualisée une fois par mois. Comment l’E-Zine-List débute-t-elle ? Dans l’historique présent sur le site, John relate qu’à l’origine son intention est de faire connaître Crash, un zine imprimé dont il souhaite proposer une version électronique. À la recherche de répertoires, il ne trouve que le groupe de discussion alt.zines et des archives comme The Well et les Etext Archives. Lui vient alors l’idée d’un répertoire organisé. Il débute avec douze titres classés manuellement sur un traitement de texte. Puis il écrit sa propre base de données. En cinq ans, de 1993 à 1998, les quelques dizaines d'e-zines deviennent plusieurs centaines, et la signification même d’e-zine s’élargit pour recouvrir tout type de publication publiée par voie électronique, même si, selon John, « il subsiste toujours un groupe original et indépendant désormais minoritaire qui continue de publier suivant son coeur ou de repousser les frontières de ce que nous appelons un zine. » L’E-Zine-List recense 3.045 titres en novembre 1998. John poursuit encore la liste pendant quelques années avant de passer le relais à d’autres.

 

(A SUIVRE…..)



18/07/2011
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