Commémoration du cinquantenaire : Quelques témoignages
Commémoration du cinquantenaire
Pr. Doamba Jean Marc PALM, chercheur à l’Institut de science des sociétés (INS) du Centre national de la recherche scientifique et technologique
«Nous devons travailler à devenir des partenaires de l’ancienne métropole…»
Dans le cadre de la commémoration des 50 ans d’anniversaire de l’accession à la souveraineté nationale et internationale de notre pays, nous avons rencontré le Pr. Doamba Jean Marc PALM, chercheur à l’Institut de science des sociétés (INS) du Centre national de la recherche scientifique et technologique. Avec lui nous avons parlé de la période coloniale et post-indépendance du pays et surtout des péripéties qui ont conduit à l’indépendance de la Haute-Volta, aujourd’hui Burkina Faso, le 04 août 1960. C’est donc avec une personnalité scientifique au fait de l’histoire de ce pays que nous nous sommes entretenu pour éclairer nos lecteurs sur des périodes des actes et des attitudes qui ont marqué et forgé notre existence commune.
Comment le territoire de la Haute-Volta fut-il occupé par le colon français ?
Doamba Jean Marc PALM (D.J.M.P): L’occupation colonialefrançaise se place dans le cadre de l’évolution du système capitaliste qui, à un moment donné, trouvait nécessaire d’occuper certaines terres en dehors de l’Europe pour se développer. C’est ainsi donc que notre pays a fait l’objet de convoitise de la part de plusieurs puissances notamment, les Allemands, les Anglais et les Français. Finalement, ce sont donc les Français qui l’ont emporté en 1900. On s’accorde à dire qu’à partir de 1898 l’occupation du pays qui va devenir la Haute-Volta était achevée et il s’agissait maintenant de mettre en place l’Administration coloniale qui a commencé avec des entités administratives militaires puis par la suite les cercles, les subdivisions et les cantons. A certains endroits comme dans les royaumes Moose, les Français se sont appuyés sur l’organisation qui existait déjà. Là où il n’y en avait pas, notamment dans les régions du Sud-Ouest, ils ont créé ce qu’on a appelé les chefs de cantons et de villages. C’est ainsi donc qu’ils ont quadrillé l’ensemble du pays et ont mis en place une administration au service essentiellement de l’administration coloniale française.
Quels étaient les nouveaux rapports entre le colon français et les populations autochtones ?
D.J.M.P: Disons que les rapports étaient ceux du cavalier et du cheval : des rapports de domination sur tous les plans, mais surtout d’exploitation économique ; ce qui fait que les gens vivaient dans des situations sociales précaires aggravées par l’impôt de capitation, les travaux forcés et les réquisitions qui se sont aussi manifestées sous d’autres formes telles que l’enrôlement forcé dans l’armée pour servir sur les différents champs de bataille où étaient engagés les Français. C’est le cas par exemple de la Première et la Deuxième Guerre mondiales, de l’Indochine (à l’époque) et de l’Algérie.
Vous avez fait cas des travaux forcés et de l’impôt de capitation. Faut-il voir en eux ce que d’aucuns appellent les affres de la colonisation ?
D.J.M.P : Oui, c’est un peu ça les affres de la colonisation. Mais il y a aussi le fait qu’il n’y avait aucune liberté. Il faut dire que les conquêtes de ces libertés et même de certains aspects démocratiques sont venues de la participation des Africains par exemple aux conflits mondiaux et notamment la Deuxième Guerre mondiale. C’est en cela que le Général De GAULLE, à partir de la conférence de Brazzaville en 1944, a introduit dans les colonies de petites réformes. Ces réformes mettaient en place des conseils généraux et permettaient que les Africains participent un tant soit peu à la gestion de leurs affaires. Mais c’était en fait extrêmement bien contrôlé. Le Général De GAULLE, lui-même, à cette conférence disait que l’évolution à «Self goverment» était proscrite. C’est dire qu’en fait, on introduisait ces réformes pour que les Africains pensent qu’on leur enlevait un peu la bride du cou. Il faut dire aussi que cela se justifiait par le contexte international dans la mesure où les Anglais, surtout les Américains, les Russes et l’ONU qui venait d’être créée après la 2e Guerre mondiale étaient contre cela et poussaient à la libération pour l’autodétermination des peuples. Donc les Français étaient obligés d’aller dans ce sens des réformes ; mais ils estimaient qu’il y avait des limites qu’ils ne pouvaient pas dépasser pendant un certain temps.
Permettez Professeur, que nous revenions sur l’impôt et les travaux forcés. Comment procédait-on dans la perception de l’un et dans la mise en œuvre de l’autre ?
D.J.M.P : L’impôt a emmerdé pas mal de gens qui ont dû fuir dans la brousse, s’exiler ou même se suicider parce qu’ils n’arrivaient justement pas à honorer cet impôt qui était obligatoire à partir de 10 ans. C’était aussi un moyen pour les Français d’introduire leurs revenus monétaires. L’impôt était payé d’abord en nature, en cauris et, par la suite, en monnaie française. Cela a provoqué beaucoup de drames dans les différentes familles. Il faut dire que les réquisitions pour les travaux forcés et autres ont été extrêmement douloureuses pour les gens. Cela a conduit par exemple à la révolte de 1916 dans la région de la Boucle du Mouhoun. Les exactions de l’administration étaient telles que les populations se sont révoltées. L’impôt et les réquisitions étaient extrêmement mal perçus et mal vécus par les populations.
Comment avons-nous alors évolué vers les indépendances ? Ont-elles été octroyées ou acquises de hautes luttes ?
D.J.M.P : Concernant la Haute-Volta, il faut situer cela dans un contexte bien précis. A la fin de la 2e Guerre mondiale, je l’ai dit, certains pays étaient contre la domination coloniale notamment les Etats-Unis et l’Union soviétique. Il y a aussi l’action de l’ONU qui menait un combat contre certains pays colonisateurs comme la France. La France était donc obligée de tenir compte de cette donnée sur le plan international. Ensuite, au sein même de l’empire français il y avait des révoltes. Par exemple en Indochine, au Vietnam, au Maroc, en Tunisie et plus tard en Algérie. Les Français étaient donc obligés de tenir compte du contexte international et de l’évolution au sein même de l’empire français. C’est ce qui a conduit à l’institution d’un certain nombre de réformes pour empêcher que les peuples africains colonisés d’Afrique noire n’aillent aux indépendances. C’est ainsi qu’a été rapidement pris la «loi-cadre» qui accordait l’autonomie et qui introduisait un certain nombre de facilités aux peuples africains notamment le suffrage universel. Avant cela les votes se faisaient à deux niveaux, il y avait le citoyen et le sujet. Après le suffrage universel, il y avait les gouvernements dans les différents pays. A ce niveau, il faut dire que le gouverneur était le président et la vice-présidence revenait aux Africains. Tout ça c’est compte tenu de l’évolution interne même des colonies ; et le contexte international qui a obligé les Français à aller plus loin dans les réformes. La «loi-cadre» était critiquée et paraissait dépassée et les étudiants de la FEANF trouvaient qu’il s’agissait d’une mystification et qu’il fallait aller aux indépendances. On est alors arrivé à la «Communauté» qui faisait des colonies des Etats mais sans personnalité juridique. La lutte à l’intérieur de ces différentes colonies a obligé encore la France à aller à ce qu’on a appelé la «communauté rénovée» en 1959. Les Etats pouvaient alors devenir membres de la communauté tout en restant indépendants. Et cela a été l’œuvre de la fédération du Mali composée du Sénégal et du Soudan à l’époque (actuel Mali) qui avait demandé le transfert de compétences qui leur a été accordé le 04 avril 1960. Les Français pour garder toujours les colonies au sein de l’empire français ont créé la «Communauté rénovée». Mais la situation était telle qu’ils étaient obligés d’arriver à cette cascade d’indépendances en 1960. Pour ce qui me concerne l’indépendance n’a pas été octroyée comme on le dit mais a été arrachée de hautes luttes. Si on dit qu’elle a été octroyée, on crache sur tous ceux qui ont lutté et qui ont souffert des affres de la colonisation, de ceux qui ont lutté, à l’époque, pour ce qu’on a appelé l’émancipation des peuples colonisés. L’indépendance est un fait politique extrêmement important parce que cela amène la séparation par exemple de l’Etat voltaïque de l’Etat français. On a donc deux Etats différents. Et sur le plan politique, à l’intérieur de la Haute-Volta, il y a des bouleversements qui se sont faits. D’abord la redistribution des forces politiques et sociales. Cela a donné aux luttes un certain contenu et une certaine orientation. Cela a amené à revoir les alliances à l’intérieur. C’est parce qu’il y a eu cette situation qu’on peut parler de socialistes et de capitalistes, de gens liés à l’un ou l’autre de ces mouvements. Maintenant, le contenu des indépendances m’amène à parler de néo-colonisation parce que les Français, vu qu’ils ne pouvaient pas empêcher l’accession à l’indépendance des différentes colonies, ont choisi leurs interlocuteurs. C’est ce qui est arrivé en Afrique du Sud au, moment de l’Apartheid, lorsque les tenants du système de l’apartheid ont voulu imposer des interlocuteurs autres que les nationalistes ; le peuple a refusé en imposant des gens comme Nelson MANDELA. A notre niveau ici, ils avaient réussi en imposant des gens liés à leur cause ; ce qui leur permettait de garder toujours une certaine main sur les anciennes colonies. Cela leur a permis également de signer des accords de coopération qui liaient les pays à l’ancienne métropole. Il faut faire donc la différence entre l’accession à l’indépendance et le contenu de ces indépendances. L’indépendance a été arrachée, mais le contenu des indépendances a été dévoyé par la complicité d’un certain nombre de dirigeants africains à travers les accords de coopération signés par ces dirigeants avec la France.
De grands noms, qui ont contribué à notre accession aux indépendances ?
D.J.M.P : Il faut partir de la lutte pour la reconstitution de la Haute-Volta avant de citer des noms qui ont contribué à notre accession aux indépendances. Le pays était divisé entre la Côte d’Ivoire qui avait 56% de notre territoire, le Soudan (actuel Mali) et le Niger et, à l’époque en 1919, le pays avait déjà trois millions d’habitants. Il fallait utiliser cette main-d’œuvre pour développer les colonies que les Français estimaient viables telles que la Côte d’Ivoire où l’on avait besoin de la main-d’œuvre dans les plantations de cacao, café, et les forêts pour la coupe du bois, etc. C’est d’abord la lutte des populations et des chefs Moose, notamment le Mogho Naaba Saaga I, qui a permis à la Haute-Volta d’exister. C’est déjà ça le premier pas à la conquête de l’indépendance. Sans cette lutte, la Haute-Volta n’allait jamais être reconstruite. En même temps c’était assorti d’un certain chantage et de marchandage. Certains intellectuels tels que Joseph CONOMBO, Nazi BONI qui luttaient pour la reconstruction de la Haute-Volta ont dû ne pas aller au RDA parce que le marché consistait en la reconstruction contre le lâchage du RDA. Si vous allez au RDA, on ne réunifie pas le pays si vous quittez le RDA, on reconstitue le pays. Et comme les gens tenaient à ce que la Haute-Volta soit reconstituée, ils sont allés à l’Union pour la défense des intérêts de la Haute-Volta (UDIHV) dont l’objectif principal était la reconstruction de la Haute-Volta et dirigé par Saaga II. C’est ce parti qui se transforme par la suite en Union Voltaïque avec la participation de l’église catholique qui a pris un certain nombre d’intellectuels comme les CONOMBO, Joseph OUEDRAOGO et autres pour les donner au Mogho Naaba Saaga II qui a constitué ce nouveau parti. L’Union Voltaïque va s’étendre aux autres régions de la Haute-Volta. Par exemple dans la région de Gaoua, ils ont contacté M. YARI. A Dédougou, ils vont contacter aussi des personnes pour mettre en place le maillage de l’Union Voltaïque. Il fallait créer un contre-poids au RDA qui, à l’époque, avait une orientation très progressiste. Par la suite Nazi BONI, Joseph CONOMBO, Joseph OUEDRAOGO, Henri GUISSOU, KALANZAGA et du côté du RDA vous avez Ouézzin COULIBALY, Ali BARRO, Malo TRAORE, entre autres.
Qu’est-ce que la colonisation a pu apporter de positif pour nos populations ?
D.J.M.P : Vous savez que l’Assemblée nationale française avait dégagé des aspects positifs à la colonisation. Disons que la colonisation a apporté une amélioration sur les plans sanitaires et scolaires. Mais en fait l’objectif était de maintenir les populations dans une certaine bonne santé pour les utiliser. On avait aussi besoin d’auxiliaires. Voyez-vous, pendant longtemps le niveau d’enseignement a été bloqué. Ce n’est que par la suite qu’on verra les premiers étudiants qui vont se former dans le cadre du supérieur. A l’indépendance, les premiers responsables étaient des instituteurs qui avaient été formés à William PONTY. C’était fait volontairement pour limiter qu’ils aillent loin. On peut considérer tout de même qu’il s’agit d’un aspect positif mais n’oublions pas que c’était à des fins de servir la colonisation. C’est vrai aussi qu’il y a eu des routes, des ponts mais ils ont été construits dans l’optique de livrer les produits de l’intérieur aux ports pour être évacués vers la métropole. C’est le cas de la Haute-Volta qui a été considérée comme l’arrière-pays de la Côte d’Ivoire. C’est aussi le cas du Mali. Dieu seul sait combien de Voltaïques sont morts pour la construction du chemin de fer. L’objectif a toujours été de développer la métropole et non les colonies.
50 ans après notre accession à l’indépendance, peut-on dire que les choses ont positivement changé après le départ du colon ?
D.J.M.P : D’abord, je dois dire que je suis contre ceux qui disent qu’il ne faut pas commémorer ces 50 ans. A mon avis, il faut les commémorer parce que c’est un devoir de mémoire à l’endroit de ceux qui ont souffert pour que notre pays accède à l’indépendance. Maintenant, est-ce que les choses ont positivement évolué, là c’est une autre paire de manche. Si on prend sur le plan économique, il y a problème. L’industrialisation est partout presque embryonnaire. L’Agriculture n’arrive pas à nous nourrir alors qu’en 1960 on exportait les produits agricoles. Aujourd’hui on a des problèmes même pour nourrir nos populations. Un des progrès c’est le bond fait au niveau de l’éducation. Mais là encore il faut atténuer par le fait que le contenu de l’enseignement n’est pas adapté aux besoins de nos pays. Nos pays sont tenus en tenaille par les organisations de Bretton Wood, la Banque mondiale et le FMI qui, pendant longtemps, ont orienté leur économie. Aujourd’hui il nous faut nous-mêmes nous prendre en charge. Pour cela, il faut d’abord que les pays africains développent la solidarité entre eux et la coopération Sud-Sud. Ensuite, il faut que nos pays aillent à l’unité. Quel est le processus qu’on choisira pour ce faire ? Ce qui est certain, c’est la nécessité de la construction de grands ensembles qui s’impose ; ils sont les seuls viables aujourd’hui. Un petit pays comme le Burkina, le Togo, le Bénin ne peut s’en sortir. Un autre point du défi que nous devons relever c’est au niveau de la démocratie. Il faut que nous acceptions les règles du jeu démocratique. Il faut que chaque camp accepte les règles édictées et c’est comme cela que nous pourrons aller vers le développement et mettrons fin à la marginalisation de l’Afrique qui ne compte pas aujourd’hui sur le plan international dans la prise des décisions. Elle ne fait que suivre. Nous devons travailler à devenir des partenaires de l’ancienne métropole et établir des rapports gagnants-gagnants. Ce n’est pas seulement l’œuvre des dirigeants mais aussi celle des peuples.
Votre appréciation du scrutin du 21 novembre dernier ?
D.J.M.P : J’apprécie globalement de manière positive la présidentielle qui s’est tenue dans le calme. Le taux de participation à mon avis est satisfaisant. Ce qu’il faut déplorer c’est que justement les documents de votation ont fait défaut. C’est le cas de la CNIB et cela a joué sur la participation des citoyens. A l’avenir, il faut s’y prendre autrement pour non seulement revoir le mode d’inscription sur les listes électorales et comment mettre à la disposition des citoyens les documents leur permettant d’exprimer leur droit au suffrage.
Angelin DABIRE
Sya, l’accueillante Histoire et légende
A l’origine, était Sya qui deviendra plus tard Bobo-Dioulasso qui signifie littéralement «la cour des Bobo-Dioula». Cité très ancienne, Bobo-Dioulasso jouera un rôle prépondérant pendant la période coloniale et sera la première commune du Burkina et sa capitale économique.
La fondation du village de Sya se situe aux alentours de 1 050. Sa majesté Mpa Yacouba SANOU, actuel chef suprême des Bobos-Mandaré est le gardien de la tradition de ce peuple. Selon Siriki SANOU, son fils et porte-parole, le fondateur de Sya est venu du Mandé (actuel Mali). Un jour, il a eu une révélation en songe qui lui a recommandé de se déplacer vers un endroit indiqué par un oiseau. Tout ce qu’il sait, c’est que l’endroit du rêve est situé entre deux cours d’eau. Ce fondateur de Sya dont on tait volontairement le nom suivit les recommandations reçues en rêve. Il partit à la recherche dudit endroit. Il marcha des jours et des jours, des mois et des mois. Il passa par Satiri et atteignit un village nommé Timina. Il y passa un bon bout de temps ne sachant plus vers où se diriger. Durant son séjour à Timina, il rêva à nouveau et l’oiseau lui indiqua le chemin à suivre. Cette fois, ses pas le guidèrent vers la rivière Dafra ; mais ce ne pouvait être là d’autant qu’il n’y avait point de second cours d’eau. Il pria le bon Dieu en ces lieux et fut alors guidé vers Dioulassoba. Il repéra effectivement les deux cours d’eau en question (le Houet et le Sayon). Il y bâtit sa première maison à Konsaso. La maison-mère, comme on l’appelle, existe toujours de nos jours à Dioulassoba. Le fondateur de Sya vécut dans l’abondance et eut trois fils (Balla, Zara, Monmonrô). Il vivait paisiblement avec son peuple dans cet endroit à la forêt luxuriante et au gibier abondant. Un jour, alors qu’il se promenait dans la forêt, il fut surpris de croiser un chasseur qui puisait de l’eau dans l’un des cours d’eau. Après renseignement, il apprit que le chasseur venait d’un village qu’on appelle Colsama et qu’il chassait fréquemment par là. Il s’abritait sous un arbre, séchait sa viande et au bout de trois à quatre jours, il rentrait chez lui à Colsama. Le fondateur de Sya proposa de lui offrir son hospitalité. Le chasseur accepta volontiers. Ils vécurent ensemble pendant longtemps dans l’harmonie. Au fil des temps, la population s’est accrue et, du fait des antagonismes, ont fini par s’imposer des guerres de conquête. Il y a eu plusieurs guerres dont celle qui vit la défaite de Tiéba OUATTARA à Bama, la guerre des Kpagala, … jusqu’à ce que le colonialisme prenne le dessus…
Le passage de Samory TOURE à Sya
Lorsque l’Almamy Samory TOURE est arrivé à Sya, il y a trouvé l’imam Sakidi SANOU qui a construit la mosquée de Dioulassoba en 1880. Ce sont deux promotionnaires de l’école coranique qui se connaissaient très bien pour avoir étudié chez le même maître. Quand Samory a su que Sya était la ville de l’imam Sakidi, il a renoncé à l’attaquer. Mais son fils très belliqueux n’était pas de son avis et voulait passer à l’offensive. Sakidi SANOU demanda alors la permission à son père (Samory) pour faire un tour avec lui un peu hors de la ville. Samory accepta. Sakidi l’amena devant une termitière et à l’aide de son chapelet, il récita des formules, la termitière se fendit et toutes les termites se transformèrent en intrépides guerriers dont l’un invita le fils de Samory au combat. Ils luttèrent toute une journée sans qu’il ait le dessus. Après cette démonstration de force mettant en évidence les forces occultes dont disposaient les habitants de Sya, la troupe de Samory venue conquérir la ville préféra y renoncer car c’était trop risqué d’engager le combat avec un tel adversaire… C’est plus tard que les colonnes françaises de la colonisation vont finir par s’imposer aux habitants de Sya, confisquant alors le pouvoir. Le colonisateur pour mieux assurer son commandement devra s’associer des auxiliaires, c’est ainsi qu’il nommera des chefs traditionnels sur qui il s’appuiera.
L’attaque de l’hôtel Dallet en octobre 1941
Nous sommes en 1941. La France est occupée par les Allemands. Le régime de Vichy signe l’armistice avec l’Allemagne et accepte l’occupation. Le général De GAULLE s’exile en Angleterre d’où il va lancer son fameux appel du 18 juin 1940. L’Afrique occidentale française était vichyste. Selon l’historien Bruno Doti SANOU, la première résistance à rejoindre De GAULLE en Afrique occidentale est venue de Bobo-Dioulasso. «A l’époque, c’était une ville très surveillée. Ces fuites de militaires pour rejoindre De GAULLE firent un écho dans la ville. Des gens ont pensé que le moment était venu de rompre avec l’occupation coloniale. Des musulmans, dont le chef de file affirmait avoir reçu un message de La Mecque pour en finir avec les colons, ont monté un groupe qui est allé massacrer cinq Européens blancs à l’hôtel Dallet. C’était le 03 octobre 1941».
Des Noirs qui ont eu l’audace de tuer 5 Blancs à cette époque, c’était vraiment du jamais vu. Mais ces morts ne sont pas restés impunis. Dès qu’ils ont été arrêtés, les assassins ont été fusillés publiquement. Et l’administration coloniale ne s’est pas limitée à cela. «Le chef de canton de l’époque, Adama SANOU et plusieurs autres chefs autochtones ont été déportés en prison en Côte d’Ivoire. Bobo était devenue une ville policière. Le plus grand service de renseignements se trouvait à Bobo»; ajoute Bruno SANOU. Selon Siriki SANOU, le fils de Mpa Yacouba SANOU, le marabout qui est à l’origine de cette tuerie voulait anticiper l’indépendance des Noirs. Aucun chef traditionnel n’était au courant de cette attaque. «Ils ont été arrêtés alors qu’ils étaient totalement innocents. Ils ont été déportés à la prison de Tabou en Côte d’Ivoire. Après avoir purgé leur peine, seuls 4 personnes dont le chef de canton Adama SANOU, sont revenues. Les autres sont décédés…»
Qui était Guimbi OUATTARA de Bobo ?
Selon le porte-parole du chef suprême des Bobos, Guimbi OUATTARA était la fille de Bamory OUATTARA. Son ancêtre est venu de Kong en Côte d’Ivoire. «C’était une dolotière. Elle accueillait plusieurs étrangers chez elle dans son cabaret qui était très réputé. Elle avait de bonnes relations avec les Blancs et lorsque ces derniers avaient des problèmes, elle était prête à leur offrir le gîte. L’objectif des OUATTARA, à l’époque, était de brouiller les Blancs et les Bobos afin de profiter de la situation et avoir le contrôle de Bobo.
Un jour, après qu’un OUATTARA ait fait la navette en tant qu’interprète entre les Blancs et les Bobos, la guerre finit par éclater, malgré la bonne foi des Bobos.
Pour montrer qu’ils sont pour la paix, ils ont remis un coq blanc à l’interprète pour le remettre aux Blancs. Mais en route, celui-ci égorgea le coq, se tacha le corps de son sang avant d’aller à la rencontre des Blancs en pleurs. Il expliqua qu’il a été victime d’un lynchage parce qu’il voulait éviter la guerre. Excédés, les colons blancs utilisèrent les canons. Le premier coup est allé jusqu’à Bindougousso ; le deuxième a fauché l’imam Sakidi SANOU alors qu’il s’apprêtait à aller prêcher la paix et la compréhension avec les colons». L’historien Doti Bruno SANOU ne dit pas autre chose. «Guimbi OUATTARA était une femme de marque. Elle n’était pas princesse comme on le dit généralement. C’était une femme de relation publique. C’est dans ce sens que lorsque le premier explorateur Binger remontait de Kong vers Bobo, on lui a recommandé Guimbi OUATTARA puisque son grand-père était de Kong. Elle a reçu Binger et bien d’autres explorateurs français à Bobo. Elle les a protégés et elle leur a donné des guides pour continuer l’exploration du pays. C’est de là qu’elle a eu cette réputation au-delà des frontières, grâce aux Français.
Sa cour à Kombougou était une cour publique. On y vendait de l’hydromel. Tout le monde venait y boire. Elle détenait des renseignements sur la région de Bobo et comme elle était en contact avec les Blancs, elle les leur livrait. Ses renseignements ajoutés à ceux de ses cousins notamment Betiaba OUATTARA, ont permis à la France d’occuper Bobo-Dioulasso sans trop de dépense et sans trop de résistance. Grâce aux renseignements qu’ils avaient, les Français ont su opposer les chefs de guerre les uns contre les autres pour les affaiblir. Après avoir neutralisé Tiéfo AMORO qu’ils ont opposé à Samory TOURE, les Français occupent Bobo en 1897 sans trop de difficultés». La même année, ils y fondent un poste administratif. En 1904 la cité de Sya prend le nom de Bobo-Dioulasso. Elle est érigée en commune mixte en 1927, commune de plein exercice en 1954 et commune urbaine en 1960. De 2 500 habitants en 1897, Bobo comptait plus de 500 mille habitants en 2008..o
Drissa KONE à Bobo-Dioulasso
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