Conscience Nègre

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RSP ou gendarmerie : Il faut remettre chacun dans son rôle

RSP ou gendarmerie : Il faut remettre chacun dans son rôle

 L’apparent succès de l’opération militaire qui vient d’être menée contre les militaires « rebelles » du Camp Ouezzin Coulibaly ne doit pas nous faire oublier l’impérieuse nécessité qu’il y a de faire la distinction entre les différentes forces de défense et de sécurité au regard de leurs missions.

« La garde présidentielle a réprimé la mutinerie de Bobo » ou « Le RSP met fin à la mutinerie » ou encore « La garde présidentielle mate la mutinerie de Bobo... », tels étaient les titres en vogue au lendemain de l’opération « salvatrice » de Bobo. Toujours est-il qu’il a été donné à l’opinion de croire que l’expédition de Bobo a été conduite par le RSP du colonel Kéré, « appuyé » pour la circonstance par la gendarmerie et par le RPC du colonel Bationo. Si l’on en juge par la description que certains organes de presse (les plus nombreux) en ont fait, la gendarmerie n’a pas été au-devant de l’action, ne se contentant que d’appuyer, toute chose qui pourrait révéler quelque chose de dérangeant dans cette mission de pacification. Ce qui est dérangeant en effet, c’est le rôle prépondérant du RSP (et du RPC) dans l’exécution de l’opération.

Opération de pacification qui s’expliquait certes, vu le contexte ; la menace que représentent des militaires « déviants » et de surcroît armés est à traiter à un niveau où l’on ne doit rien négliger. « A la force, il faut opposer la force supérieure » écrivait Sun-Tsé dans l’art de la guerre. Mais il faut tirer la sonnette d’alarme ; parce qu’on a trop longtemps servi l’anormal aux Burkinabè, ces derniers finiront par ne plus savoir ce qui est normal. La question en effet reste de savoir si l’intervention à l’armée relevait d’une décision de dernier ressort.

L’allusion bruyante faite au RSP n’est sans doute pas fortuite ; une certaine pratique a voulu que ce soit le régiment le mieux armé du moment, et sans doute le mieux entraîné. En tout cas si nous en jugeons par la description que leur grand patron et mentor, le général de brigade Dienderé nous fait à la télé à chaque sortie de promotion, ce régiment doit être capable de se faire à n’importe quelle situation de combat. Mais à mon avis, ce qui s’est passé à Bobo doit être plus vu comme une œuvre de salubrité publique par défaut que comme une véritable action républicaine de protection des citoyens. Peut-être y avait-il urgence à agir de manière « extrême » (pour utiliser le mot du général Traoré, le chef d’état-major général), de sorte qu’on n’a pas eu suffisamment de temps pour y mettre toute la forme.

En tout état de cause, il y a lieu de faire remarquer que le rôle du RSP pose problème et en tant que légalistes et démocrates, nous ne pouvons légitimer outre mesure le fait accompli, fût-il heureux. Si la mission de police du RSP devait se perpétuer, c’est la construction de l’Etat de droit qui prendrait un sérieux coup de plomb dans l’aile. Et pour cause. Le rôle de la gendarmerie comme force militaire républicaine, c’est d’assurer la sécurité des citoyens. Il y avait dans l’opération de Bobo une occasion de mettre en lumière ce rôle de rétablissement de l’ordre public. En d’autres termes, c’est la gendarmerie qui devait au premier chef désarmer et arrêter les mutins. Toute autre force de première catégorie pouvant être réquisitionnée- en dernier ressort- pour l’appuyer.

Cela n’ayant vraisemblablement pas été le cas, il y a lieu de se demander ce que peut bien révéler la réquisition du RSP (et du RPC). Notre gendarmerie n’ a-t-elle pas les moyens de mettre en œuvre une opération de maintien de l’ordre -fût-elle une opération militaire ? Ou est-ce tout simplement que l’armée (disons plutôt le RSP et le RPC) s’est arrogé des prérogatives qui ne sont pas les siennes ? Peut-être que l’état de notre gendarmerie laisse à désirer tant du point de vue humain que matériel ? Mais alors si c’est le cas, le gouvernement doit travailler à la doter des moyens humains et matériels pour agir en tout temps et en tout lieu dans sa mission de protection des citoyens et de rétablissement de la sécurité des personnes et des biens ; l’état-major devrait incessamment oeuvrer à doter ce corps de troupes d’élite aussi bien formées - sinon mieux- que les militaires du RSP, et bien équipées pour les missions difficiles. La finalité, c’est d’être capable de mettre aux arrêts ou hors d’état de nuire n’importe qui, militaire ou civil.

D’ailleurs, si le RSP devait continuer à assurer ce rôle de police, une question importante ne manquerait pas d’être posée : au cas ou (ne le souhaitons pas, même si c’est déjà arrivé) il se trouverait des militaires au RSP pour poser des actes de même nature que ceux posés par les mutins de Bobo, qui serait chargé de les arrêter ? Nous sommes en période de paix et les règles applicables en période de paix doivent être respectées. Cela aura le mérite de mettre chacun dans le rôle qui est le sien. Car disons-le tout net : au-delà du fait que ça fait désordre de voir des militaires faire le coup de feu contre d’autres militaires, il y a la question du respect des compétences qui est posée. Il faut clairement que les citoyens sachent ici et maintenant qui a le pouvoir d’arrêter, en dehors de toute réquisition, les mutins militaires ou paramilitaires.

J’avoue que je suis heureux que l’ordre soit rétabli à Bobo, mais ma joie aurait été encore plus immense si l’information lue à la une des journaux était : « la gendarmerie, appuyée par des militaires du RSP et du RPC, réprime la mutinerie de Bobo ». Car ce serait plutôt cela la norme et pas le contraire.

François de P. BADO / E-mail : badersone@yahoo.fr



14/06/2011
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